C’est une mesure sans précédent en Corée du Sud, qui illustre la grave crise politique dans laquelle le pays est tombé. Au lendemain d’un troisième refus du président déchu Yoon Suk Yeol de se présenter à un interrogatoire, les services d’enquête ont dit, lundi 30 décembre, avoir demandé à la justice d’émettre un mandat d’arrêt visant celui qui avait vainement tenté d’imposer la loi martiale.
Les enquêteurs ont déposé leur demande auprès d’un tribunal de Séoul, ont-ils précisé dans un communiqué. Jamais depuis la fin de la dictature militaire en 1987 les forces de l’ordre sud-coréennes n’avaient tenté d’arrêter un chef de l’Etat en exercice.
Destitué par le Parlement le 14 décembre, M. Yoon reste formellement en poste même s’il est actuellement suspendu en attendant que la Cour constitutionnelle valide ou non la décision des députés, et a interdiction de quitter le pays. Il est également visé par une enquête pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort, pour avoir imposé la loi martiale le 3 décembre et envoyé l’armée au Parlement pour essayer de le museler, avant de faire marche arrière quelques heures plus tard sous la pression des députés et de la rue.
Des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Séoul
D’après les médias sud-coréens, M. Yoon, 64 ans, refuse également d’accuser réception des convocations qui lui sont envoyées par la Cour constitutionnelle, qui a tenu vendredi une première audience sur son cas. La Cour a six mois pour confirmer ou infirmer la destitution du président. Si elle opte pour la première solution, une élection présidentielle devra avoir lieu dans les deux mois.
En attendant qu’elle se prononce, les députés ont destitué, vendredi, le président par intérim en place depuis la mi-décembre, le premier ministre Han Duck-soo, à qui ils reprochent d’avoir tenté d’entraver l’enquête. Le nouveau chef de l’Etat par intérim, le ministre des finances, Choi Sang-mok, a promis de « mettre un terme à la crise gouvernementale », sans précédent pour la quatrième économie d’Asie.
A peine en fonction, le troisième dirigeant du pays en moins d’un mois a été confronté à la catastrophe aérienne la plus meurtrière du pays avec le crash d’un Boeing de la compagnie Jeju Air à son atterrissage à l’aéroport de Muan, qui a fait 179 morts et deux rescapés.
Samedi, des dizaines de milliers de personnes ont défilé à Séoul dans deux manifestations distinctes pro ou anti-Yoon. Ses détracteurs et l’opposition, majoritaire au Parlement, réclament son arrestation immédiate, encouragés par des révélations sur le coup de force du président, lui-même un ancien procureur.
La loi martiale discutée depuis le mois de mars
Le rapport d’inculpation de l’ancien ministre de la défense, Kim Yong-hyun, considéré comme la personne ayant poussé le président à imposer la loi martiale, affirme que M. Yoon avait autorisé l’armée à ouvrir le feu pour entrer au Parlement.
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« N’êtes-vous pas encore entrés ? Que faites-vous ? Cassez la porte et sortez-les, même si ça veut dire qu’il faut tirer », a-t-il déclaré le 3 décembre lors d’un appel téléphonique avec le commandant militaire de Séoul, Lee Jin-woo, qui se trouvait près du Parlement, selon le parquet.
Après la proclamation de la loi martiale, des soldats lourdement armés ont pris d’assaut le Parlement, escaladant des barrières, brisant des fenêtres et, pour certains, atterrissant en hélicoptère. Selon le rapport, le président a également ordonné au chef du contre-espionnage militaire, le général Kwak Jong-keun, d’« entrer rapidement à l’intérieur » du Parlement, en détruisant les portes « avec une hache si nécessaire ». Le document ajoute que M. Yoon aurait discuté de la loi martiale dès mars avec de hauts responsables militaires.