Après des décennies de silence, l’ampleur des violences exercées par des adultes contre des élèves, sous couvert d’autorité éducative et à l’abri d’institutions hors d’atteinte des regards extérieurs, est enfin révélée. Chaque année, des milliers d’enfants sont victimes de ces sévices graves et institutionnalisés qui, anciens pour certains, n’appartiennent cependant pas entièrement à un passé révolu.
La première vertu du rapport de l’enquête parlementaire consacrée aux « modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires », rendu public mercredi 2 juillet, consiste à briser cette longue et terrible omerta. La parole des victimes, au fil de centaines de témoignages, s’y libère dans toute sa gravité, révélant la somme de souffrances infligées et de vies cabossées. « Des violences sexuelles derrière les murs trop épais d’une salle de classe, dans le silence de la nuit dans des internats. Des violences physiques (…) d’un sadisme absolu », résume la présidente de la commission, la députée (PS) Fatiha Keloua-Hachi. Dans le sillage du mouvement citoyen MeToo, des mobilisations contre l’inceste et contre les abus sexuels dans l’Eglise, l’école est à son tour mise en cause.
L’étendue de cette réalité enfin dévoilée et débattue et l’impérieuse nécessité d’y trouver des remèdes relativisent l’importance des arrière-pensées politiciennes qui ont pu animer les responsables de la commission. Notamment la volonté de Paul Vannier, député de La France insoumise, son corapporteur, de faire tomber le premier ministre, François Bayrou, accusé de « mensonge » à propos du scandale de l’institution Notre-Dame-de-Bétharram. L’essentiel à présent consiste à mettre en œuvre les propositions des parlementaires. Personne ne comprendrait que le contexte politique, chargé et orageux, entrave les réformes indispensables aptes à faire cesser l’« impensable ».
Une partie de ces changements tient à la nécessité pour l’Etat de mieux contrôler les établissements scolaires, en particulier ceux de statut privé sous contrat, financés aux trois quarts par l’argent public, et qui occupent une place prépondérante dans le rapport des députés. Le « caractère propre » reconnu à ces écoles, collèges et lycées, ne peut les dispenser d’un regard extérieur, s’agissant de la protection des enfants.
Il est urgent, comme le suggère le rapport, que cesse l’exception injustifiable qui veut que les établissements privés soient gérés par la direction financière du ministère de l’éducation nationale et non, comme l’enseignement public, par la direction générale de l’enseignement scolaire. De même, les inspecteurs généraux de l’éducation doivent être dotés du pouvoir d’autosaisine qui leur fait défaut, afin d’assurer leur indépendance du pouvoir politique. La question de l’indemnisation doit aussi être débattue. Dans les établissements, un dispositif de signalement libérant le personnel des pressions doit être instauré, et les élèves doivent être informés de leurs droits.
Le plan « Brisons le silence », lancé en mars par la ministre de l’éducation, Elisabeth Borne, qui rend obligatoire le signalement des violences dans les établissements privés sous contrat, généralise les questionnaires aux internes et aux élèves en voyage scolaire et renforce l’inspection, est un bon début. Mais le constat transpartisan des députés est clair : le fléau des violences relève de défauts structurels auxquels il s’agit de remédier d’urgence.