Le patron du Mouvement des entreprises de France (Medef), Patrick Martin, s’est dit mercredi 18 juin « très réservé » concernant la présence de l’organisation patronale le 23 juin à l’ultime réunion du conclave sur les retraites. Pour éviter un échec cuisant après trois mois et demi de concertation, le conclave, qui devait s’achever mardi, a droit à une journée de plus, le 23 juin, mais les partenaires sociaux hésitent à s’y rendre.
Interrogé sur la présence ou non du Medef à ce dernier moment d’échange, M. Martin a répondu : « A l’instant où je vous parle, je ne sais pas, mais en ce qui me concerne je suis très réservé. » « Nous n’étions pas demandeurs que cette réforme soit réexaminée. A bas bruit, certains sont en train de la détricoter. Or, notre pays a besoin de travailler plus et notre pays est en grande difficulté financière. Au rythme où vont les choses, rapidement nous ne pourrons plus payer les retraites », a-t-il estimé.
« Je vais consulter mes instances. Le Medef a fait des avancées remarquables mardi il y a huit jours, sur les carrières des femmes, sur l’usure, sur les invalidités. Ces propositions ont été balayées d’un revers de la main », a regretté M. Martin. Les syndicats « ne sont pas très cohérents, tout ce qui a été dit encore hier va dans le sens d’une altération du financement de nos retraites », a-t-il répété. Sans la signature du Medef, « un accord serait très relatif », a jugé Patrick Martin, rappelant qu’elle était « de loin la première organisation patronale » avec « 12 millions de salariés » et « 240 000 entreprises adhérentes ».
« L’opération de la dernière chance »
Mardi, à l’issue d’une longue journée de tensions entre représentants de salariés et du patronat, et alors qu’il était près de minuit, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), deux des partenaires sociaux à la table des négociations depuis le 27 février, ont annoncé cet ultime round prévu le 23 juin.
« On va réfléchir si on vient entièrement le 23, ou qu’au début, ou pas du tout », a toutefois précisé Pascale Coton, négociatrice de la CFTC, « en colère » devant la tournure prise par la concertation mardi.
Christelle Thieffinne, négociatrice de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC), va, elle aussi, « en parler » à ses « instances, pour voir si nous venons lundi prochain ». « Mais le compte n’y est pas à mes yeux, car le but du conclave était d’équilibrer le système des retraites, et à mon avis, là, l’effort va reposer sur les retraités ». « Je ne suis pas super optimiste » pour un accord, a-t-elle conclu.
« On a surtout évité ce soir de dire qu’on a échoué et une dernière tentative, l’opération de la dernière chance, a été tentée par l’animateur du conclave », a résumé Mme Thieffinne mardi soir. C’est Jean-Jacques Marette, médiateur expérimenté dans les négociations entre patronat et syndicats de salariés, qui animait le conclave.
Le patronat accusé de « planter la négo »
Une conclusion un peu confuse, loin de l’accord que Matignon avait promis de soumettre au Parlement, au terme d’une journée de discussions laborieuses. Le premier ministre, François Bayrou, avait annoncé lundi qu’il donnerait quelques jours supplémentaires aux cinq partenaires encore présents : CFDT, CFTC, CFE-CGC, côté salariés ; Medef et Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), côté patronat.
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Débutées à 9 h 30, les discussions se sont arrêtées à 11 h 30, le temps d’un long déjeuner pour chaque camp. « L’après-midi, on a repris à 15 heures, on a parlé de pénibilité, puis, à 16 heures, il y a eu une interruption de séance de deux heures à la demande du patronat et ils reviennent pour proposer… rien », a regretté en soirée Christelle Thieffinne.
La concertation a repris vers 18 heures. Avec une partie patronale qui « plante la négo », selon l’accusation lancée par la représentante de la CFE-CGC, qui a décrit une « ambiance tendue ». Pas question pour autant pour ce syndicat de partir : « C’est à eux, la partie patronale, de nous dire qu’ils refusent d’avancer. »
Lors de cette longue journée, les syndicats ont rappelé qu’ils voulaient en particulier obtenir que la pénibilité et l’usure soient prises en compte pour pouvoir partir avant 64 ans, l’âge légal fixé par la réforme Borne de 2023. Parmi les autres « points durs », la CFTC a également posé comme « ligne rouge » – objectif impératif – le passage à 66 ans de l’âge de départ sans décote (contre 67 ans), également rejeté par le patronat.
« Dans la dernière ligne droite, tout ce qui a été impossible dans la journée – nous avons flirté avec l’échec – a été en partie ouvert », a décrit Yvan Ricordeau, négociateur de la CFDT. « Ça a été plutôt bien ouvert sur la pénibilité, plutôt difficilement ouvert sur la question de l’âge de l’annulation de la décote », a poursuivi ce responsable du premier syndicat français.
Les pistes pour parvenir à un accord
Parmi toutes les propositions retenues par le médiateur, Jean-Jacques Marette, pour dégager un accord, les mesures en faveur des femmes semblent les plus consensuelles, selon les participants.
Les femmes qui ont eu des enfants verraient leur retraite calculée sur les 24 meilleures années (un enfant), ou 23 meilleures années (deux enfants), d’après les indications fournies par les participants.
Sur la pénibilité, les termes de l’accord semblent plus confus. Pour répondre à une demande insistante de la CFDT, le patronat accepterait l’instauration d’un compte pénibilité – prenant en considération les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles et les vibrations mécaniques – qui pourrait permettre, dans certains cas, un départ anticipé à la retraite.
Sur l’âge de départ sans décote, l’accord se ferait autour d’un âge abaissé à 66 ans et demi, contre 67 ans et demi. L’âge de départ sans décote est l’âge auquel il est possible de partir sans pénalité, même si l’on n’a pas cotisé le nombre de trimestres exigés (172). Il semble acquis que le dispositif des carrières longues se voie alors restreint, et ne puisse plus bénéficier aux personnes ayant travaillé avant l’âge de 21 ans.
Pour parvenir à l’équilibre financier en 2030, la contribution sociale généralisée (CSG) serait augmentée pour les retraités aux revenus moyens ou supérieurs, et les retraites pourraient être sous-indexées de 0,8 point par rapport à l’inflation en 2026, et 0,4 point en 2027.
La prime seniors, évoquée en début de semaine par François Bayrou, serait, elle, enterrée.