Cette fois, j’en étais certaine, on allait devoir annuler la kermesse de l’école. A la fin du mois de juin, Paris pataugeait encore sous la pluie. La chorale et le buffet « repas du monde » menaçaient de se dérouler sous la flotte. Je me lamentais donc auprès de la directrice de la maternelle de mon fils. « Gardez espoir et ne nous plaignons pas, au moins, on peut finir l’année tranquille ! », me glissa-t-elle. Entre le déluge et la canicule, son choix était fait. Et je la revoyais en effet, deux étés plus tôt, contrainte d’arroser la cour de l’école au jet d’eau pour atténuer les effets de la dalle chauffée à blanc, permettant ainsi aux enfants de respirer un peu et surtout de finir les apprentissages de l’année sans dévisser.
C’est cette image qui m’est revenue en pénétrant il y a quelques semaines dans une chambre climatique, sorte de cabine chauffée à 50 °C, pour y accomplir une série d’exercices physiques et mentaux pendant trente minutes. Le dispositif, nommé « Climate Sense », et présenté à Batimat, le salon des professionnels de la construction à Paris, a été imaginé par l’explorateur et chercheur Christian Clot, spécialiste de l’adaptation au changement climatique. Il permet d’expérimenter quelques instants la vie sous l’effet d’une vague de chaleur encore inédite en France, mais possible sous l’effet du changement climatique, dans le sud du pays par exemple, d’ici quelques décennies. J’y suis entrée en compagnie d’Alexandre Florentin, conseiller écologiste de Paris, et président d’une mission d’information et d’évaluation sur les vagues de chaleur à Paris intitulée « Paris à 50 °C », que l’expérience intéressait vivement.
Marcher dix minutes sur un tapis roulant ne nous a pas tant coûté. Cela a commencé à se corser quand il a fallu jouer à Docteur Maboul, un jeu de motricité fine pour lequel ma main fut à la fois trop molle et trop fébrile. Puis j’ai flanché sur les problèmes mathématiques simples. Ma fille de 10 ans en aurait probablement résolu certains. Mes capacités de raisonnement, sous l’effet de cette chaleur intense, ont tout simplement refusé de se mobiliser. « Le physique, ça tient encore, mais le cerveau, ce n’est pas possible », a conclu Alexandre Florentin, assis sur la chaise d’à côté. On voit mal pourquoi des cerveaux plus jeunes ne subiraient pas le même sort, sans même atteindre ces extrémités thermiques.
Etiquetage énergétique
Une étude internationale a d’ailleurs établi, en 2019, une corrélation entre la température dans les salles de classe de pays en climat tempéré et les performances d’apprentissage des élèves. Ces dernières augmentent de 20 % quand la température diminue de 30 °C à 20 °C, et vice versa. Les jeunes neurones fonctionnent moins bien quand ils mijotent dans un bocal. Et les bocaux risquent de se transformer sous peu en bouilloires. En France, le cabinet de conseil EcoAct a évalué, en 2023, l’exposition des écoles maternelles au changement climatique et a conclu que plus de 7 000 écoles, soit 1,3 million d’enfants entre 1 an et 3 ans, seront exposées à une température pouvant excéder 35 °C dans les classes d’ici à 2030, dont la quasi-totalité des écoles des Bouches-du-Rhône, de la Gironde, de Paris et de la Seine-Saint-Denis.
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