Le père d’Antonin est passionné d’astronomie, et Noël approche. Que lui offrir ? Cet ingénieur parisien s’en remet aux bons conseils de ChatGPT, le plus populaire des chatbots, ces algorithmes capables de converser de tout et de rien avec des internautes. La solution lancée par l’entreprise américaine OpenAI en 2022 lui propose aussitôt une liste de livres récents sur le sujet. Parmi ceux-ci, un intrigant Rendez-vous avec les étoiles. « Curieux, je suis allé en librairie pour le trouver, relate Antonin Borgnon. Mais, en interrogeant le vendeur, j’ai découvert la supercherie : le livre n’existe pas. L’IA l’avait tout simplement inventé. »
Le malheureux n’est ni le premier ni le dernier à se laisser piéger par les affabulations de l’intelligence artificielle (IA) : depuis leur démocratisation, les outils comme ChatGPT proposent des résultats bluffants, au sens le plus littéral. Derrière une assurance de façade, ils avancent régulièrement des réponses complètement fantasques – des « hallucinations », dans le jargon de l’IA. Malgré leur multiplication, et la fragilité désormais bien connue de ces algorithmes, il demeure pourtant tentant de s’y fier, tant ceux-ci répondent avec assurance.
« Difficile de comprendre pourquoi l’IA est prise au sérieux »
Ces hallucinations sont liées à la conception même de ces IA, qui opèrent de manière probabiliste : sur la base des milliards de textes ingérés dans leur phase d’« apprentissage », elles calculent quelles suites de mots sont statistiquement les plus fréquentes après telles autres, sans critère de justesse ou de vérité, ni même de compréhension de la question. Parfois, ces erreurs proviennent simplement de sources de mauvaise qualité, comme il en existe tant sur Internet.
Elles peuvent donner lieu à des réponses délirantes, comme l’ont illustré de nombreux témoignages de lecteurs. Dans son sonnet Le Coureur, le poète parnassien José-Maria de Heredia écrivait « Tel que Delphes l’a vu quand, Thymos le suivant/Il volait par le stade aux clameurs de la foule ». Quelle est la suite du premier vers ?, demande un certain Skoo Bedoo à ChatGPT. Plutôt qu’un célèbre poème, ce dernier croit reconnaître « une célèbre énigme » basée sur l’alphabet grec, et dont la réponse serait… « le Sphinx ». Relancée par Le Monde, l’IA a plus sobrement attribué le vers à Paul Valéry. Tout aussi faux, mais déjà plus plausible.
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