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Pour François Truffaut, L’Aurore, le premier film américain, en 1927, du grand réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau, était « le plus beau film du monde ». Son histoire ? Une femme de la ville envoûte un homme de la campagne. Avec les deux grands chefs-d’œuvre de sa première époque allemande, Metropolis, en 1927, et plus encore M le maudit, en 1931, Fritz Lang installe pour longtemps un archétype de la ville au cinéma : une métropole divisée entre ville basse et ville haute, où les rapports de classe et la domination par la violence font bien mauvais ménage avec les rêves de liberté et de justice. Enfin, si Sueurs froides (Vertigo), qu’Alfred Hitchcock réalise en 1958, est régulièrement classé meilleur film du cinéma de tous les temps, n’est-ce pas parce que la ville de San Francisco lui offre plus qu’un décor, l’architecture même de son scénario ? Ce que ces films capitaux ont en commun, c’est la ville comme personnage. Un personnage toujours féminin, une ville tour à tour ensorcelante, brutale, et littéralement vertigineuse.

En France, du Jacques Tati de Playtime (1967) au Leos Carax des Amants du Pont-Neuf (1991) en passant par Jean-Jacques Beineix et sa Lune dans le caniveau (1983), certains réalisateurs ont mis des moyens gigantesques pour créer des décors de villes imaginaires ou réinventées qui ont tous – indépendamment de leur importance dans l’histoire du cinéma – conduit au même résultat : budget dépassé, tournage interminable, échec commercial et, pour la postérité, une aura de film maudit. A l’inverse, du jeune Godard, qui invente la Nouvelle Vague en 1960, avec A Bout de souffle, aux films de Christophe Honoré – depuis Dans Paris, en 2006, jusqu’à Marcello Mio, en 2024 –, d’autres cinéastes documentent Paris tel qu’il est au présent : un décor vivant que les personnages et les spectateurs ont en partage au moment de la sortie du film.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Réinventons la ville », septembre 2024, en vente dans les kiosques ou sur le site de notre boutique.

Avec son Megalopolis, Francis Ford Coppola s’inscrit clairement dans la lignée des cinéastes bâtisseurs. Dans un entretien accordé en mars 1984 à la journaliste Michèle Halberstadt, pour le magazine Première, Coppola évoque sans doute pour la première fois en France son projet : « Ce sera une grande saga avec plein de personnages comme un gros roman. L’action se situe de nos jours, à Manhattan, et je regarde Manhattan comme Pluton, dieu des morts, regardait Rome… » La suite est connue : l’écriture du scénario s’éternise, et, quand le réalisateur tourne ses premières images à New York, les attentats du 11 septembre 2001 mettent un coup d’arrêt à son désir. Comment penser un New York du futur sur les cendres des tours jumelles ? « J’ai fini par me dire que ce projet était sans espoir. »

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