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Histoires Web mardi, octobre 22
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Lundi 14 octobre, l’ex-ministre de la santé Agnès Firmin Le Bodo a été condamnée lors d’une audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) – sorte d’adaptation du « plaider-coupable » américain –, pour des cadeaux reçus des laboratoires Urgo lorsqu’elle était pharmacienne. L’entreprise avait déjà soldé les poursuites la visant en janvier 2023, grâce au même mécanisme. La justice négociée a, ainsi, le vent en poupe. Tout particulièrement lorsqu’il s’agit de juger des cols blancs ou des entreprises, qui apprécient la discrétion de ces procédures.

Quelques semaines plus tôt, une journée ordinaire, au tribunal judiciaire de Paris. Une petite salle accueille l’audience destinée à homologuer les CRPC du Parquet national financier (PNF). Des hommes en costume sur mesure défilent à la barre, dans un exercice de contrition accepté. « Pourquoi avez-vous eu recours à ce montage ? », demande la juge homologatrice à un prévenu renvoyé pour fraude fiscale. « Je suis d’accord avec tout », répond-il ex abrupto. « Je ne peux pas me contenter [de cela]. Pouvez-vous détailler les faits ? », réplique la présidente. Son rôle est d’importance : elle doit veiller à ce que le prévenu consente à l’accord qu’il a négocié avec le parquet pour mettre fin aux poursuites, mais aussi vérifier que la peine soit adaptée à la gravité des faits.

Créées en 2004 pour traiter les petits contentieux, comme les cambriolages ou les conduites en état d’ivresse, les CRPC sont devenues des outils courants pour solder des affaires aux enjeux financiers et politiques bien plus importants, comme la fraude fiscale ou les atteintes à la probité. Elles représentent désormais environ 20 % des condamnations issues des procédures du PNF. En 2016, la loi Sapin 2 a créé un second dispositif de justice négociée, les conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), qui s’adressent cette fois aux personnes morales soupçonnées d’atteinte à la probité.

Des défenseurs et des contempteurs

Cette justice négociée est vivante (le PNF a signé sa 21e CJIP le 18 septembre), s’adapte en permanence (une réforme de la CRPC est entrée en vigueur le 30 septembre) et est très lucrative (4 milliards d’euros d’amendes ont été prononcées pour l’ensemble des CJIP du PNF depuis 2016). Elle peine, en revanche, à faire l’unanimité.

Ses défenseurs y voient une manière de sanctionner rapidement des individus et des entreprises au cœur de procédures complexes et souvent internationales. A contrario, ses contempteurs, parmi lesquels certains magistrats et associations de lutte contre la corruption, s’inquiètent de voir s’instaurer une justice à deux vitesses, où les plus riches bénéficieraient d’une certaine clémence et d’audiences à la publicité réduite, palliatif à la faiblesse des moyens d’enquête et manière de résorber le stock toujours plus important de procédures.

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