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Histoires Web mercredi, octobre 23
Bulletin

« En 1992, mon compagnon et moi sommes mutés à l’autre bout de la France. Nous sommes encore jeunes, sans enfants, et nous nous retrouvons loin de nos familles, de nos amis. Comme nous sommes dans un milieu professionnel convivial, soudé, nous passons du temps avec nos collègues. Il y a des apéros, des fêtes, nous nous voyons pendant les vacances.

Un soir, une fête est organisée par un collègue de mon compagnon. C’est ce jour-là que nous le rencontrons. Armand [les prénoms et les lieux ont été changés] est un homme très charismatique, qui monopolise l’attention. Il parle beaucoup et bien, avec intelligence. Il est plus âgé que nous – il doit avoir 45 ans, tandis que nous sommes dans notre vingtaine. C’est une rencontre forte.

Bientôt, nous nous retrouvons le week-end, nous passons à l’improviste chez eux – il vit avec sa compagne, Elise, et leur petit garçon – pour prendre des apéros qui s’éternisent. Nous la découvrons elle aussi : c’est une femme qui me paraît plus calme, plus forte que lui. Nous passons de longues soirées à refaire le monde. De temps en temps, Armand a bien de grands éclats, des coups de colère qui nous surprennent un peu, mais nous n’y prêtons pas plus attention que cela. Souvent, c’est en rapport avec leur fils et ce qu’il mange. Armand semble vouloir contrôler son alimentation. Etrangement, à chaque fois que le petit grignote quelque chose, ce n’est pas à lui qu’il s’en prend, mais à Elise.

La mort de Marie Trintignant, « point de bascule »

Pendant deux ans, nous nous voyons beaucoup, puis mon compagnon et moi sommes de nouveau mutés. Notre amitié perdure. Chaque été, ils viennent passer trois ou quatre jours chez nous et nous rattrapons le temps perdu. Nous demandons à Armand d’être le parrain de notre fils. Puis, en 2002, il me demande d’être son témoin de mariage. Je suis un peu étonnée, car Armand est très proche de mon compagnon, mais je sais qu’il me respecte beaucoup, parce que je suis franche, féministe et révoltée à une époque où ce n’est pas très banal.

En 2003, mon mari et moi sommes en vacances lorsque nous apprenons la mort de l’actrice Marie Trintignant. Je me souviens exactement du moment où j’ai entendu la nouvelle à la radio, dans la voiture. Cela nous a renversés. Nous aimions beaucoup Bertrand Cantat [le chanteur de Noir Désir, condamné en Lituanie pour les coups et blessures ayant entraîné la mort de sa compagne] ainsi que Marie Trintignant. C’est la première fois que les violences conjugales surgissent de cette façon dans l’actualité. Pour moi, c’est un point de bascule. Je ne supporte plus d’entendre parler de “crime passionnel”. Je me dispute avec ma mère, qui considère que Trintignant est une “butineuse”, comme si cela pouvait justifier quoi que ce soit.

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