« Donc là, il y a un mec qui prend mes photos Instagram et mes [vidéos] TikTok et qui, avec l’IA, les met sur des plateformes privées pour vendre mon image. » Mercredi 20 novembre, Louana sonne l’alarme. Face caméra, la Française de 23 ans affirme dans une vidéo vue plus de 200 000 fois être victime de l’OFM IA (pour OnlyFans Management à l’aide de l’intelligence artificielle), un sinistre business qui consiste à voler des contenus publiés par des utilisatrices de réseaux sociaux, les modifier grâce à des technologies de deepfake et les commercialiser en se faisant passer pour des travailleuses du sexe sur Internet.
Au Monde, la jeune femme raconte que Cem Bal, l’un des entrepreneurs français qui promeuvent cette nouvelle activité, l’a prise en exemple dans une vidéo détaillant sa méthode. Dans celle-ci, celui qui se fait surnommer CemCem passe en revue des photos de Louana et « explique qu’il peut changer [s]on visage grâce à l’IA et garder juste [s]on corps » afin de créer par la suite de futurs faux profils en ligne.
Ces influenceuses inauthentiques, on en trouve des centaines sur Instagram, TikTok et X. Leurs visages d’origine ont été remplacés par des traits générés artificiellement, elles s’affichent en maillot de bain, multiplient les vidéos aguicheuses et redirigent toutes vers des plateformes tierces (Fanvue, Clinkt, Mym, Unlockt, Telegram, Reveal…) sur lesquelles elles monétisent des « contenus privés ». Autrement dit, des photos et vidéos à caractère pornographique, elles aussi créées à partir d’images volées et détournées par IA.
Un filon prétendument juteux
A la manœuvre : des entrepreneurs, comme CemCem, qui ont, ces dernières années, fait leurs armes dans l’OnlyFans Management « traditionnel ». Dans les grandes lignes, cette activité consiste à servir d’intermédiaire entre les « modèles » (c’est-à-dire les créatrices de contenus érotiques ou sexuels) et leur public, à gérer leur comptes et plus largement leur présence en ligne. Depuis peu, une grande partie de ces influenceurs aux discours empreints de masculinisme semble avoir migré vers l’OFM IA. Comme il n’est plus nécessaire de démarcher des modèles OnlyFans, mais qu’il suffit d’en inventer, le filon est plus simple à exploiter. Et, selon certains, plus rémunérateur.
Ils conseillent, à l’unisson, et souvent depuis Dubaï, où ils opèrent, de se lancer au plus vite dans ce « business » dont ils ne cessent de saluer la rentabilité financière. Sur YouTube, certains publient ainsi des guides à destination de leurs fans (intitulé « OFM IA : Comment créer une modèle IA de A à Z », celui d’Hugo Matias, qui n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde, a par exemple été visionné plus de 350 000 fois) et leur vendent en complément des formations payantes, la véritable clé de voûte de leur activité.
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