« Nous sommes comme le lapin tétanisé face aux phares du camion qui va l’écraser ». Le président de la COP 34 prend la parole depuis Bali, les pieds dans l’eau, cravate et costard en haut, slip et bouée flamand rose en bas. Il égraine une série de mesures « choc » adoptées lors de cette vraie fausse future conférence des Nations Unies sur le climat : « faisons des câlins à ceux qui mangent local », ou « caressons les cyclistes ».
Dans ce spectacle écrit en 2021, à découvrir lors du festival des idées « Chaleur humaine » le 14 décembre au théâtre de la Ville, Ludovic Pitorin, directeur artistique de la compagnie Zygomatic, utilise « le rire comme une arme de réflexion » sur un sujet qui n’a rien de léger, le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Il se met en scène aux côtés de trois autres comédiens, danseurs et chanteurs, enchaînant les saynètes où se mêlent le théâtre, le music hall et le mime, le grotesque, l’absurde et le grinçant.
Tout y passe, y compris les métaphores footballistiques : « On est menés à la mi-temps, mais on veut voir tout le monde mobilisé en deuxième période. 1 + 1 = 3, annonce le président de la Cop 34. On veut que les gaz à effet de serre commencent à douter ! ». Les tableaux s’enchaînent. Après l’étonnant témoignage d’un phytoplancton, le rythme de Climax s’accélère pour déboucher sur une scène forte, presque suffocante, dans laquelle on voit les hommes créer l’instabilité sur terre en un battement de cil ; 200 ans à l’échelle de l’univers, c’est si peu. « Pétrole, gaz, charbon », scandent les comédiens qui rejouent les grandes scènes de l’histoire en accéléré, dans un flot d’images stroboscopiques. Et encore : « Pétrole, gaz, charbon ». Le rire du public se teinte de gravité.
Coup de Cœur 2021 du festival d’Avignon, Climax a été joué plus de 400 fois en France en trois ans et demi, devant plus de 100 000 spectateurs. « On touche des gens qui ne vont pas forcément au théâtre et qui ne sont pas des convaincus », explique Ludovic Pitorin. La compagnie joue partout, dans les petites villes, dans des communes qui n’ont pas forcément de théâtre, les lycées, les salles des fêtes, proposant deux formats de spectacle – 1h05 ou 30 minutes – pour répondre aux différentes demandes, mais toujours assurer l’essentiel. Zygomatic a même recruté et doublé ses effectifs pour pouvoir multiplier les dates et tirer la sonnette d’alarme partout où elle passe. « Nous voulons faire en sorte que le rire décarbone », explique le metteur en scène à la fin du spectacle. Et dépasser le stade du simple constat pour « transformer la tragédie en un espace d’espoir ».