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Histoires Web dimanche, avril 28
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LA LISTE DE LA MATINALE

L’Imagination, un cours inédit de Paul Ricœur (1913-2005), qui allie les deux traditions continentale et analytique de la philosophie contemporaine, ouvre notre sélection de livres de la semaine. Il est accompagné d’un thriller urbain sur un Afro-Américain accusé de meurtre, signé Richard Wright (1908-1960) ; un essai passionnant de Mélanie Fabre sur les « hussardes noires » de la IIIe République, en un temps où l’engagement féministe se confondait largement avec le combat scolaire ; le roman noir Apre monde, de Franck Bouysse, et le roman criminel Point de rupture, de l’écrivain américain Kevin Powers, vétéran de la seconde guerre du Golfe.

PHILOSOPHIE. « L’Imagination », de Paul Ricœur

La publication d’un important inédit du philosophe Paul Ricœur daté de 1975, L’Imagination, synthétise tout ce qu’il y a d’exceptionnel dans cette pensée. Ricœur y élabore une théorie de l’imagination, élément central de sa réflexion, et s’attelle à dépasser les condamnations qui, depuis Aristote, qualifient cette faculté de « maîtresse d’erreur et de fausseté » (Pascal) ou de « folle du logis » (expression prêtée à Malebranche).

Dans le sillage d’Alain et de Bachelard, il réhabilite cette puissance décriée. Loin de se réduire à reproduire des impressions en images, l’imagination a une dimension « productrice » et créative qui en fait l’intermédiaire obligé entre les sens et l’esprit.

L’Imagination s’impose comme une pièce maîtresse du corpus ricœurien. Dans ces pages denses, le lecteur se laisse en effet guider de l’Antiquité au XXe siècle par un pédagogue hors pair. Parce qu’elle réalise de façon visionnaire la confluence des deux courants principaux de la philosophie contemporaine (analytique et phénoménologique), L’Imagination porte la bonne nouvelle de leur réconciliation actuelle. Une raison supplémentaire de plonger dans ce témoignage jusque-là inconnu. N. W.

ROMAN. « L’Homme qui vivait sous terre », de Richard Wright

Fred Daniels, 28 ans, regagne son domicile après une dure journée de labeur passée à tondre la pelouse d’une maison cossue pour quelques dollars. Mais trois policiers l’arrêtent : un crime a été commis dans le voisinage. Les agents sont Blancs ; Daniels est Noir.

Aussitôt embarqué au commissariat, passé à tabac avant de signer des aveux qui lui sont extorqués, il ne devra son salut – temporaire – qu’au fait d’avoir faussé compagnie à ses tortionnaires pour trouver refuge dans les égouts de la ville.

Pendant sa brève cavale, entre la quête initiatique et l’odyssée chtonienne, Daniels va explorer une « drôle de dimension » souterraine : un décor « brumeux, poisseux, trouble », à l’image de sa propre condition, réduite par le racisme à cette « émotion qui lui disait que, bien qu’innocent, il était coupable ». De conduits en pièces aveugles, croisant un nourrisson mort ou un vieillard épiant une scène de hold-up, le fugitif finit par cerner « entre toutes ces choses dressées devant lui (…) une sorte de lien magique qui les rendait intimement proches ». Car du cœur des ténèbres jaillit une part de cette vérité invisible au « monde d’en haut », devenu à ses yeux une « forêt sauvage où rôdaient la mort et des bêtes aveugles ».

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