D’énergiques nuées de fil rouge jaillissent de bateaux posés à terre et emplissent l’espace. Un dense réseau de fils noirs enferme des chaises et un piano carbonisés, dans une fumée abstraite. Visions de ravissement méditatif ou d’effroi, ces deux installations spectaculaires se trouvent au cœur de la traversée du travail de Chiharu Shiota, sur près de trente ans, que présente le Grand Palais, à Paris, en avant-première de la réouverture de ses galeries.
Au gré de quelques centaines de kilomètres de fils déployés dans les airs, cette semi-rétrospective de l’artiste japonaise, organisée par le Mori Art Museum, à Tokyo − il s’agit de la plus grande exposition jamais consacrée à l’artiste à ce jour, en tournée internationale −, oscille ainsi entre phases sombres et phases plus optimistes, où les « frémissements de l’âme » − « The Soul Trembles » est son titre − apparaissent comme le fil rouge d’un travail axé sur la connexion et l’émotion.
Chronologique, l’exposition revient sur la période de formation de l’artiste, dans les années 1990, à partir d’archives photographiques, de vidéos ou d’aquarelles. Etudiante en peinture à Kyoto, l’artiste se heurte vite à un sentiment de frustration face à la peinture : « Je me sentais bloquée, j’avais l’impression que tout ce que je créais avait déjà été fait », résume-t-elle. Lors d’un séjour d’études à Canberra, en Australie, après un rêve dans lequel elle était devenue une peinture se questionnant depuis l’intérieur d’une toile, elle réalise une performance charnière : elle se couvre de peinture rouge tout en s’enroulant dans une toile, dans une vision viscérale, presque horrifique. Cet acte d’expression corporelle est une libération.
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