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La rupture entre Jean-Marie et Marine Le Pen est-elle définitivement consommée ? A 87 ans, le président d’honneur du FN a été banni jeudi 20 août 2015 du parti qu’il a cofondé en 1972. La plus haute autorité du Front national, réunie en formation disciplinaire au siège du parti, a retenu contre Jean-Marie Le Pen quinze griefs, notamment ses propos réitérés sur les chambres à gaz nazies.

Si M. Le Pen a immédiatement fait savoir qu’il déposerait un recours contre son exclusion « devant les autorités judiciaires compétentes », cette procédure marque l’acmé d’une longue histoire de tensions familiales et politiques entre père et fille.

Juillet 2015 : triple victoire judiciaire et radiation

A trois reprises, le très procédurier Jean-Marie Le Pen s’en est remis à la justice pour obtenir la suspension de l’assemblée générale extraordinaire du FN, voulue par Marine Le Pen pour réformer les statuts et, accessoirement, supprimer le poste de président d’honneur occupé par son père.

A trois reprises, il a obtenu gain de cause :

  • Le 2 juillet, la justice a d’abord annulé le congrès, car le parti n’avait pas précisé sa durée.
  • Le 8 juillet, le TGI a également suspendu l’événement.
  • Le 28 juillet, la cour d’appel de Versailles a confirmé cette décision.

Histoire de reprendre la main politiquement, Marine Le Pen a alors dépouillé les 28 664 votes d’adhérents déjà reçus par courrier. Selon le parti, qui a publié les résultats le 29 juillet, 94,08 % des votants se sont prononcés pour la fin de la fonction de président d’honneur de M. Le Pen.

Dans la foulée, décision a été prise d’organiser un conseil de discipline à l’encontre de Jean-Marie Le Pen devant le bureau exécutif. Ce dernier a débouché sur son exclusion. En revanche, il assure être toujours président d’honneur, car « j’ai été élu par un congrès, pas par un groupuscule de cinq personnes ».

2 avril 2015 : le retour des chambres à gaz

Vingt-huit ans après avoir fait scandale sur RTL, Jean-Marie Le Pen réitère le jeudi 2 avril sur BFM-TV ses propos sur les chambres à gaz. Selon lui, leur utilisation par les nazis durant la seconde guerre mondiale pour exterminer juifs, opposants politiques, tsiganes et homosexuels n’ont été qu’un « détail » de l’histoire.

« Ce que j’ai dit correspondait à ma pensée, que les chambres à gaz étaient un détail de la guerre, à moins d’admettre que c’est la guerre qui était un détail des chambres à gaz (…) Je maintiens, parce que je crois que c’est la vérité et que ça ne devrait choquer personne. »

Le lendemain, fidèle à sa stratégie de dédiabolisation, Marine Le Pen désavoue son père et se dit « en profond désaccord sur la forme et le fond » avec lui.

Le Monde

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Le président d’honneur du FN lui réplique quatre jours plus tard dans le journal d’extrême droite Rivarol en lançant qu’« on n’est jamais trahi que par les siens ». Avant de renchérir : « Je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître. L’on a été très sévère avec lui à la Libération. » Jean-Marie Le Pen s’en prend également aux origines du premier ministre Manuel Valls, naturalisé français à l’âge de 20 ans : « Quel est l’attachement réel de Valls à la France ? Cet immigré a-t-il changé du tout au tout ? »

Avec cette interview, Marine Le Pen évoque une crise « sans précédent » et annonce qu’elle s’opposera à la candidature de son père pour les régionales en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Son but est de nuire », déclare Mme Le Pen, qui annonce la tenue prochaine d’une réunion du bureau exécutif du parti pour « protéger les intérêts du mouvement ».

20 novembre 2014 : Jean-Marie Le Pen contre un changement du nom du Front national

Jean-Marie Le Pen réplique sèchement à sa fille, qui estime que la question de changement de nom du Front national « mérite d’être posée ». Mettant en garde contre une « trahison des militants », il tacle les « gens récemment arrivés au Front national venant d’autres partis politiques » qui n’ont pas de « sentiment à l’égard d’un drapeau qui flotte depuis quarante ans et qui a coûté cher à ceux qui l’ont planté et défendu ».

Marine et Jean-Marie Le Pen en janvier 2011 à Tours.

6 juin 2014 : la « fournée » et la lettre ouverte

Dans son « journal de bord » vidéo, Jean-Marie Le Pen fustige les artistes qui ont pris position contre son parti pendant les élections européennes. Visant notamment le chanteur Patrick Bruel, de confession juive, il promet d’en faire « une fournée la prochaine fois ».

Deux jours plus tard, sa fille condamne une « faute politique ». « Si cette polémique peut avoir une retombée positive, déclare-t-elle au Figaro.fr, c’est celle de me permettre de rappeler que le Front national condamne de la manière la plus ferme toute forme d’antisémitisme, de quelque nature que ce soit ».

La semaine suivante, le président d’honneur du FN lui répond dans une lettre ouverte glaciale, dans laquelle il vouvoie « madame la présidente ». Il dénonce la « sanction injuste » infligée après ses propos – à savoir la suppression de son « journal du bord » du site du Front national. Avant de rappeler à sa fille : « N’avez-vous pas été mise en cause par votre déclaration sur « l’occupation » de rues par des fidèles musulmans ou encore par votre présence à Vienne, à un bal réputé « nazi » par nos ennemis ? Vous estimez-vous donc fondée à sanctionner le fondateur et président d’honneur du Front national, en outre député européen depuis trente ans ? »

Lire également : Marine Le Pen sur son père : l’avenir du FN, « c’est moi et non plus lui »

7 janvier 2014 : la « quenelle » timidement condamnée

En octobre 2013, le président d’honneur du FN réalise avec Bruno Gollnisch une « quenelle », le geste provocateur (et à penchant antisémite) popularisé par Dieudonné. Quelques mois plus tard, alors que la controverse sur l’humoriste prend de l’ampleur, Jean-Marie Le Pen assure « ne pas regretter » son geste. Dans le Journal du dimanche, Marine Le Pen prend alors timidement ses distances, en estimant qu’« il faut éviter de le faire », sans citer le nom de son père. « Nous n’avons aucune raison de chercher à heurter ou blesser des gens, explique-t-elle, tout en ajoutant que « beaucoup de gens effectuent ce geste sans imaginer une demi-seconde qu’il y a une référence antisémite derrière. »

6 juillet 2012 : Jean-Marie Le Pen tacle sa « petite bourgeoise » de fille

Quelques semaines après l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen oppose dans une interview au Times son passé d’« homme du peuple » à la « petite-bourgeois[i]e » dont sa fille est issue. Le jour même, il assure sur son blog vidéo avoir été victime d’un problème de traduction, expliquant avoir souhaité qualifier Marine Le Pen de « petite fille bourgeoise », pour évoquer une « différence d’origine et de milieu ».

Marine et Jean-Marie Le Pen à Lyon, en 2014.

31 janvier 2012 : désaccords sur les conditions de départ à la retraite

En pleine campagne présidentielle, alors que Marine Le Pen promet de rétablir le droit à la retraite à taux plein à 60 ans, Jean-Marie Le Pen se déclare favorable à un relèvement de l’âge légal à 65 ans. Il y reviendra d’ailleurs dans son entretien dans Rivarol à paraître le 9 avril : « J’ai essayé d’expliquer à Marine Le Pen et à ses conseillers que c’était une erreur. C’est ridicule de demander la retraite à 60 ans alors que moi, à la tête du FN, pendant des décennies, je l’ai demandée à 65 ! J’étais en avance, encore que les Allemands sont aujourd’hui à 67 ans ! »

30 juillet 2011 : l’« accident » Breivik et la « naïveté » de la Norvège

Au moment de la tuerie d’Oslo, perpétrée par Anders Breivik, Marine Le Pen condamne des « actes barbares et lâches ». L’ancien homme fort du parti évoque de son côté l’« accident d’un individu qui, sous l’effet d’une folie, fût-elle passagère, se met à massacrer ses concitoyens ». Il met en cause la Norvège, un « petit pays sympathique […] qui n’a pas pris la mesure du danger mondial que représente d’abord l’immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l’esprit de ce fou meurtrier ».

A l’époque, la présidente du FN refuse de condamner les propos de son père et se contente, dans un communiqué, de dénoncer une « récupération politicienne » de la gauche.

22 avril 2011 : l’affaire du salut nazi

Le 25 mars 2011, le site du Nouvel Obs publie la photo d’un candidat du Front national aux cantonales, Alexandre Gabriac, mimant un salut hitlérien devant un drapeau nazi. Convoqué par la commission des conflits du parti, le jeune homme de 21 ans reçoit un simple blâme. Mais Marine Le Pen, présidente du parti depuis le mois de janvier, décide de l’exclure.

A la suite de Bruno Gollnisch, Jean-Marie Le Pen conteste sur LCI le choix de sa fille : « Je pense que c’est une réaction rapide et qu’elle ne possédait peut-être pas tous les éléments d’information. […] Selon, moi, il n’y a pas motif à exclusion. » Quelques jours plus tard, Marine Le Pen confirme sa décision. C’est le premier désaccord public entre le père et la fille depuis l’accession ce cette dernière à la tête du parti.

Marine et Jean-Marie Le Pen, en avril 2010.

2008-2009 : Marine Le Pen se désolidarise de son père sur la question du « détail »

En mai 2008, puis en mars 2009, Jean-Marie Le Pen réitère ses propos de 1987 sur les chambres à gaz, qu’il considère comme « un détail de l’histoire ». Marine Le Pen, qui fait à l’époque partie des figures montantes du parti, assure qu’elle « ne partage pas sur ces événements la même vision » que son père. Alors vice-présidente du Front national, elle affirme ne « pas penser » que les chambres à gaz soient « un détail de l’histoire », tout en défendant son père d’avoir « jamais nié aucun des événements de la seconde guerre mondiale ».

Quand Marine défend Jean-Marie

Si Marine Le Pen s’est désolidarisée de son père sur un certain nombre de sujets, il arrive aussi fréquemment qu’elle ferme les yeux sur d’autres déclarations de Jean-Marie Le Pen.

Ainsi, après la mort de Nelson Mandela, en 2013, la présidente du FN a salué une « figure d’apaisement », que Jean-Marie Le Pen avait souhaité rencontrer en 2002. Elle oubliait au passage que son père, en 1990, avait traité le président sud-africain de « terroriste » et avait déclaré que sa libération ne l’avait « ni ému, ni ravi ».

En mai 2014, lorsque que Jean-Marie Le Pen affirme pouvoir « régler » le problème de « l’explosion démographique » grâce à « Mgr Ebola », évoquant la fièvre infectieuse qui a fait plus de 10 000 morts en Afrique, Marine Le Pen affirme que les propos de son père ont été « déformés ».

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