FRANCE.TV SLASH – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Aubin a 24 ans et pratique le « chemsex » depuis quatre ans. Contraction de chemical (« chimique ») et de sex, ce terme désigne la consommation de substances psychoactives dans le but d’avoir des rapports sexuels. Un usage que l’on retrouve quasi exclusivement chez des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Pendant un an, Christo Roussev et Julie Robert ont suivi ce jeune homme, de Montpellier où il alterne les périodes d’abstinence et les rechutes, à Paris où il espère renaître à la vie. La vie justement, Aubin le dit d’emblée : le chemsex « a bien failli » la lui prendre.
Nous sommes en septembre 2023, Aubin est en consultation avec Hélène Donnadieu, cheffe du service addictologie au CHU de Montpellier. L’été a été plutôt calme – comprendre : sans prendre de substances. Car, depuis deux ans, le chemsex l’a littéralement englouti. « Le chemsex m’a pris beaucoup de choses, ma joie, mon temps, une partie de ma jeunesse, de la tune… », expose-t-il.
« J’ai perdu le contrôle de ma vie »
Assis sur son lit, il tourne les pages de ses journaux intimes. Ouvrir celui de 2021-2022 est difficile. Il habite à Paris depuis 2019. Au fil des fêtes, des week-ends sans dormir, « j’ai perdu le contrôle de ma vie », dit-il. Retour à Montpellier, après deux tentatives de suicide. Le film raconte cette spirale de l’addiction, le dégoût de soi, les comportements à risque : « Tu ne sais plus te poser des limites, tu fais des trucs de malade ou tu laisses les autres te faire des trucs de malade », raconte Aubin.
Hélène Donnadieu explique ce cercle infernal : « Il y a d’une part des substances très puissantes avec une durée d’action très courte. Et d’autre part, les applis de rencontre [géolocalisées à but sexuel, du type Grindr]. Ces substances vont créer un désir incessant de rencontrer, avoir des rapports sexuels, durer, performer. L’appli permet d’avoir le plan d’après. »
Comme pour Aubin et d’autres jeunes hommes rencontrés par les deux réalisateurs, le chemsex vient combler des manques, la difficulté d’accepter son homosexualité parfois. Aubin n’a pas reçu d’amour de ses parents. D’ailleurs, il ne leur parle plus. Son père était violent et le considérait comme une « tantouze », sa mère était persuadée qu’il était possédé « par une entité démoniaque ». Heureusement, Anaïs, sa sœur, est toujours là.
« Film pédagogique et personnel »
Si le phénomène a pris de l’ampleur, la prévalence du chemsex est difficile à quantifier. En 2019, selon l’enquête sociologique Apaches (« Attentes et parcours liés au chemsex »), réalisée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives pour la direction générale de la santé, de 13 à 14 % des HSH avaient participé à une séance de chemsex au cours des douze derniers mois. Ce chiffre atteint 25 %, 30 % pour les utilisateurs d’applications de rencontre.
Ce film, les deux réalisateurs l’ont voulu « pédagogique » mais aussi « très personnel ». « Nous avons passé des mois à vivre aux côtés de ces jeunes que le chemsex consume. A partager leurs errances, leurs peines et leurs espoirs », peut-on lire dans leur note d’intention.
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Chaque période d’abstinence est fragile. Aubin en sait quelque chose. Nous le quittons en février 2024. Retour à Paris pour un nouveau départ. Désormais, il a « de la place pour autre chose [que le chemsex] ». Six mois se sont écoulés, on aimerait bien savoir ce qu’il est devenu.
Chems. Sexe, drogue et dépendance, de Christo Roussev et Julie Robert (Fr., 2024, 48 min).