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« Elle était intense cette fashion week de Paris, non ? » La remarque revient dans la bouche des professionnels ayant assisté à la saison automne-hiver 2025-2026, qui s’est achevée le 11 mars. En effet, cette semaine de la mode était chargée, riche de nouveautés et hantée par les spéculations concernant le mercato des designers, en particulier le poste à pourvoir chez Gucci. Jusqu’au bout, elle aura été dense, avec les défilés de Chanel, de Miu Miu et de Saint Laurent au programme du neuvième et dernier jour.

Le matin, Chanel réinvestit le Grand Palais, longtemps fermé pour travaux. Cet espace monumental est associé aux défilés de Karl Lagerfeld, qui y a organisé ses shows les plus faramineux, du supermarché reconstitué à la rampe de lancement d’une fusée. Chanel choisit pourtant de ne pas renouer avec le défilé-spectacle, en tout cas pas maintenant, alors que le studio signe toujours les collections.

En attendant l’arrivée effective de Matthieu Blazy, nommé directeur artistique en décembre 2024, la maison de la rue Cambon rejoue ses classiques. Après avoir étudié les paravents de Gabrielle Chanel et la gamme de couleurs qu’elle employait, le studio se concentre cette saison sur le nœud, élément récurrent du vestiaire de la fondatrice. Dans le Grand Palais, un immense ruban noir virevoltant (scénographié par le designer Willo Perron) fait office de décor et annonce aussi le jeu sur les proportions qui traverse cette garde-robe.

Une miniveste se porte avec un pantalon très long, tandis qu’une grande chemise en popeline descend jusqu’aux chevilles. Les petites robes en tweed sont d’autant plus courtes que les collerettes sont abondantes ; les nœuds sont parfois énormes et dédoublés (sur une longue robe en soie ivoire) ou minuscules (en strass sur une ceinture). Les perles des colliers sont gonflées, parfois grosses comme des oranges dans une version sac-bijou. Cohérente dans ses intentions et avec l’histoire de la maison, cette collection manque tout de même un peu d’imagination. Mais chaque chose en son temps : redonner un coup de fouet à Chanel, c’est la mission de Matthieu Blazy, qui arrivera rue Cambon en avril.

Chaussettes menthe à l’eau

Chez Miu Miu, Miuccia Prada veut « créer de l’élégance à partir d’un rien, à travers le quotidien et la manipulation de pièces simples ». Sa garde-robe joue toujours sur les archétypes bourgeois (fourrure, paletot, robe de cocktail, escarpins), qu’elle maltraite habilement. La petite robe en soie rose pâle a les bretelles qui pendouillent et le soutien-gorge qui dépasse, les talons sont portés avec des chaussettes menthe à l’eau, les manteaux ont le dos déconstruit, comme si on avait collé les pans de tissu entre eux.

Cette étrangeté est renforcée par le choix des mannequins, souvent androgynes, parfois masculins, parfois célèbres (la musicienne Towa Bird, l’actrice Sarah Paulson…). Même si les tenues sont un peu redondantes, l’ensemble fonctionne bien et devrait prolonger l’incroyable état de grâce que traverse Miu Miu : ses ventes ont presque doublé sur l’année 2024, pour atteindre 1,37 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Miu Miu.
Saint Laurent.

Pour une fois, la mission de clore la fashion week n’est pas endossée par Louis Vuitton, mais par Saint Laurent, qui organise son défilé au pied de la tour Eiffel. Dans une grande boîte au sol luisant qui reflète les murs en onyx, Anthony Vaccarello poursuit sa réflexion sur le style Saint Laurent. La saison passée, il avait coupé sa collection en deux, en présentant des tailleurs cravatés, puis des ensembles chamarrés. Cinq mois plus tard, il reprend son travail sur la couleur.

« J’avais envie de couture, mais sans ornement, en restant le plus simple possible. Et j’ai eu l’idée de ces robes aux couleurs violentes, presque saturées. J’y ai enlevé toutes les constructions intérieures et n’ai gardé que la puissance des épaules », explique le directeur artistique. Déclinées dans une palette allant de l’orange au bleu Klein en passant par le fuchsia, ces robes courtes taillées dans du satin lavé ou un jersey technique ont en commun leur carrure massive et leur tombé fluide. Elles dessinent une silhouette subjuguante, surtout portées avec des escarpins qui étirent la jambe.

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A nouveau, le designer belge imagine un second volet esthétique très différent des premiers passages. Des nuisettes en soie sombre sont portées avec des jupons monumentaux à la taille basse, descendus sous les hanches ; les couches de tulle qui les composent ondoient au rythme des pas dans un mouvement hypnotisant. Cette silhouette n’est pas très Saint Laurent, ni très Anthony Vaccarello. Ce dernier, qui réalise des collections impeccables depuis trois ans, aurait pu rejouer le vestiaire affûté qu’il maîtrise si bien. En esquissant ces formes plus douces, il montre que, malgré sa longévité chez Saint Laurent, il a encore des idées nouvelles à exprimer. Et permet de terminer cette fashion week intense en beauté.

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