De ce jour de juin 2023, où Mary Cardaras a obtenu pour la première fois de l’administration grecque des informations concernant son adoption actée soixante-huit ans plus tôt, elle a gardé des souvenirs précis. La chaleur des rues d’Athènes, où elle est née, peu avant de partir dans une famille gréco-américaine de la banlieue de Chicago, la vétusté du bâtiment et la silhouette ronde de l’agent administratif qui l’a reçue. Et puis ce dossier, « sorti d’une enveloppe en lambeaux, rongée par le temps », se souvient-elle.
Le nom de son père biologique y est mentionné « de nombreuses fois », note l’agent, qui refuse néanmoins de le lui dévoiler. Cette information cruciale laisse pourtant transparaître la possibilité qu’elle n’est finalement pas née d’un viol – un cas courant chez les adoptés grecs. « Pour la première fois de ma vie, je me suis dit : “Qui sait, peut-être mes parents étaient-ils amoureux” », confie-t-elle.
Mary Cardaras fait partie des quelques milliers d’enfants grecs adoptés par des parents étrangers pendant les années de guerre froide. Elle est sortie de cet éprouvant entretien déterminée à se battre pour exiger l’accès à ses « données » administratives et, surtout, obtenir ce qu’elle considérait lui avoir été « volé » soixante-huit ans auparavant : sa citoyenneté grecque. Un « dû de longue date », selon les mots du vice-ministre grec de l’intérieur, Vassilis Spanakis, qui vient enfin d’être rendu aux « enfants perdus du pays ». Après des années de combat et de plaidoyer menés auprès des autorités, les personnes nées en Grèce et adoptées par des citoyens étrangers avant 1976 peuvent désormais, sur demande, acquérir la nationalité grecque.
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