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Histoires Web vendredi, décembre 27
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Une journée, dans cette boutique, vaut son pesant d’or pour qui observe la société française. Le grand écart des fortunes mais les peurs partagées, les générosités familiales comme les pires détestations et ce besoin, si fort, d’être écouté, rassuré, cajolé… Tout cela se révèle au Comptoir national de l’or, qui jouxte la place du Capitole, à Toulouse.

Dans la vitrine de l’officine à enseigne dorée, le cours de l’or fluctue en temps réel sur écran géant : 73 417 euros le lingot de 1 kilo, ce jour de la mi-septembre. Au moins sept fois plus qu’il y a vingt-cinq ans. Deux fois plus qu’en 2019. « C’est relayé par les médias, les gens en discutent à la maison. Ils ont de l’or dans les tiroirs, un jour ils se décident et font estimer. Ils sont agréablement étonnés, et hop ! Ils vendent ! », résume l’heureuse responsable du magasin qui ne désemplit guère, Sandra Sanchez. Sa chevelure brune, sa robe et ses semaines sont longues – ouverture six jours sur sept, midi compris. Car dans son bureau, porte fermée, les clients qui défilent ne font pas court, déballant bien plus que leur petit trésor.

D’emblée, les mieux lotis se justifient (« Je ne suis pas dans le besoin »), les moins aisés s’excusent (« Je n’apporte rien d’extraordinaire »), avant d’extirper le sac en tissu du sac plastique au fond du sac à main. Puis de déposer devant Mme Sanchez l’imposant bracelet en or, la collection de napoléons ou le modeste entrelacs de chaînes, de bagues fines et de boucles d’oreilles orphelines, en commentant le tout. Derrière chaque bijou, la moindre pièce, la dent en or biscornue, se cachent « une histoire, un moment de vie », a compris la trentenaire, d’une patience inoxydable.

Le suspense impose le silence, le temps de la pesée et de l’expertise – de l’acide, déposé sur l’objet qu’on érafle, produit une réaction chimique parlante. Or plaqué ou massif ? Combien de carats ? Avant qu’une bonne nouvelle, souvent, relance le récit du client. Pour Isabelle, 345 euros, soit, convertit-elle immédiatement à haute voix, « un passe étudiant de transport parisien ». En pull vert, une touche de fantaisie rouge aux oreilles, cette assistante sociale mène visiblement le combat contre la morosité. Sur la balance de précision, elle a versé son petit trésor : des chaînes, des bagues et même ses médailles de baptême et gourmette de bébé. « Je ne suis pas croyante, et ma mère ne l’est plus, ça ne la dérange pas », précise-t-elle dans un sourire.

A 1 400 euros net, son « salaire moyen est trop moyen ». « Pourtant je vis à la campagne, décrit la quadragénaire (elle a souhaité conserver l’anonymat, comme les autres personnes interrogées), mais il y a le chauffage, les dépenses incompressibles de la vie courante… Mes deux filles étudient à Paris. L’une travaille seize heures par semaine tout en étant à la fac, l’autre ne peut pas, elle est en classe préparatoire. Alors j’ai réfléchi, j’ai cherché ce qui, éventuellement, avait de la valeur chez moi… Même si ce n’est pas grand-chose, je les aide un petit peu pour la rentrée. »

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