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Histoires Web samedi, juillet 27
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SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION

Paul Schrader, scénariste et cinéaste américain, l’un des derniers vétérans des années 1970 encore en activité, a connu une carrière en dents de scie, et depuis quelques années une véritable résurrection, ayant adopté un système comparable à la Série B d’antan, enchaînant les films à petits budgets tournés rapidement. Après une trilogie consacrée à des figures torturées d’hommes de métier (First Reformed, The Card Counter et Master Gardener), Oh, Canada, accueilli dans les rangs de la compétition cannoise, poursuit sur la même lancée, mais renverse la vapeur. Adapté du roman éponyme de Russel Banks, le film se pense aussi comme un hommage au grand romancier américain disparu en janvier 2023.

Lire le portrait (2023) : Article réservé à nos abonnés « Oh, Canada » de Russell Banks, le roman de la mort qui se profile

De mort, c’est bien ce dont il est question ici, dans ce film qui se penche sur l’agonie de l’artiste, et sur ce qui disparaît inévitablement avec lui, soit l’esprit d’une époque. Avec un tel sujet, difficile de ne pas penser que le vénérable cinéaste de 77 ans se tend un miroir, et même rassemble les dernières cendres bientôt balayées d’un nouvel Hollywood dont il aura été l’une des chevilles ouvrières.

Le film se déroule le temps d’un entretien, accordé par ses anciens étudiants à un homme malade, Leonard Fife (Richard Gere), documentariste éminent et figure de la contre-culture des années 1960-1970, réputé pour son insoumission à la guerre du Vietnam et son exil politique au Canada. Avec la simplicité vibrante dont Schrader est aujourd’hui capable, les premiers plans, ceux du générique, se consacrent à l’installation du plateau, clin d’œil énamouré au dispositif de base du cinéma : un projecteur qui s’allume, un pied de caméra soigneusement posé, une marque au sol en forme de croix…

Structure complexe

L’équipe investit à pas de loups le domicile à Montréal du maître, ne pouvant plus se déplacer, mais sur lequel veille sa femme Emma (Uma Thurman). Malcolm (Michael Imperioli), l’interviewer, a préparé sa liste de questions déférentes, mais Fife les balaye d’emblée, parce qu’il tient à raconter son histoire selon ses termes. Cependant, son récit devient très vite confus, désordonné. Il s’interrompt, revient en arrière, passe du coq à l’âne. Mais le désordre ne cache jamais qu’un ordre alternatif, et c’est alors un curieux autoportrait éclaté qui surgit de son propos décousu : une vie démystifiée, infiniment plus triviale et moins glorieuse que celle passée à la postérité.

Sous ses allures de drame de chambre, simple et modeste, Oh, Canada cache en fait un film ambitieux, à la structure complexe. Plusieurs voix off se télescopent faisant résonner différents points de vue, parfois contradictoires, sur le parcours du protagoniste. Autour de son récit, Schrader orchestre une friction de flash-back hétérogènes. Certains en couleur, d’autres en noir et blanc, certains où Leonard jeune est joué par Jacob Elordi, d’autres où c’est Richard Gere lui-même qui vient revisiter ses vieux souvenirs, certains marqués par une forme d’objectivité, d’autres plus fantasmatiques et flottants.

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