SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION
Quatre mois, jour pour jour, après la sortie de Pauvres créatures, Yorgos Lanthimos se retrouve à Cannes en compétition avec un nouveau long métrage, Kind of Kindness, film à sketchs que le cinéaste grec qualifie de « fable en triptyque ». On y a vu, de notre côté, un récit de trois nouvelles qui, chacune à leur manière, déclinent les mêmes thèmes : l’autorité, l’emprise, le libre arbitre, la dépendance affective et le désir d’appartenance. Motifs que Lanthimos et son coscénariste, Efthymis Filippou, ont tricoté en mailles serrées, enchevêtrées jusqu’à l’excès.
A ce canevas, le cinéaste a adjoint une sauce piquante qu’on lui connaît bien. Une pincée de cruauté, une bonne dose de perversité, une pointe d’humour et une giclée de sang frais. Le plat est salé. Trop parfois. Le cinéaste ne résistant pas toujours à l’usage appuyé d’un ingrédient – gore si possible. Histoire sans doute de marquer son territoire et, dans le même temps, nous soustraire à l’éventuelle torpeur à laquelle nous pourrions céder.
Une sorte d’étrangeté
Reconnaissons-le néanmoins, Lanthimos réalise avec Kind of Kindness un film sobre (tourné en format panoramique sur pellicule), plus proche de ses débuts que de ses dernières compositions baroques. Remisant au placard costumes d’époque, décors d’apparat et monstres fabriqués, le cinéaste semble s’accorder une pause entre deux productions lourdes. Et met cette fois en lumière (naturelle) une société américaine contemporaine (plutôt aisée) dont les habitants, malgré une apparence similaire à la nôtre, n’en dégagent pas moins une sorte d’étrangeté inquiétante qui suffirait à leur accorder le statut de créatures.
Celles-ci, bien barrées tout de même, traversent trois histoires qui s’entremêlent et se répondent, déportent et multiplient les points de vue autour de couples et d’amitiés dont les cartes se redistribuent à mesure des épreuves auxquelles ils sont soumis.
Les acteurs, dont la permanence crée une sorte de fil rouge, changent de personnages d’un récit à l’autre. Les liens qui les unissaient précédemment revêtent d’autres formes, se perpétuent en traînées de poudre, se brisent selon les forces qui les dirigent, les contraintes qui les freinent.
Le bon vouloir du maître
Un homme marié (Jesse Plemons), soumis chaque matin aux ordres d’un patron (Willem Dafoe), obéit au doigt et à l’œil. Mange et boit ce qui lui a été dicté, prend du poids ou maigrit, lit Anna Karénine, fait l’amour à sa femme (ou pas), renverse un homme dans la rue, selon le bon vouloir du maître dont il finira par s’émanciper.
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