Trois responsables européens d’International NGO Safety Organisation (INSO), dont deux Français, ont été arrêtés au Burkina Faso, a annoncé la junte mardi 7 octobre. Au total, huit membres de l’ONG ont été arrêtés : le directeur pays (un Français), son adjointe (franco-sénégalaise), le directeur général adjoint (tchèque) de l’organisation basée à La Haye (Pays-Bas), ainsi qu’un ressortissant malien et quatre Burkinabés. Le directeur pays avait été arrêté fin juillet au moment où l’ONG avait été suspendue trois mois par les autorités pour « collecte de données à caractère sensible sans autorisation préalable ». INSO fournit notamment des analyses sécuritaires pour d’autres associations humanitaires.
Selon le ministre de la sécurité, Mahamadou Sana, « INSO est une ONG étrangère, dirigée par des étrangers, qui collectait et fournissait des informations sécuritaires sensibles, pouvant être préjudiciables à la sécurité nationale et aux intérêts du Burkina Faso, à des puissances étrangères ». Il a précisé mardi que malgré la suspension de ses activités, le 31 juillet, certains responsables « ont continué de mener clandestinement ou de façon détournée des activités telles que des collectes d’informations et des réunions en présentiel ou en ligne ». Les dates des arrestations n’ont pas été précisées par M. Sana, qui a toutefois ajouté que le directeur général adjoint de l’ONG s’était rendu à Ouagadougou le 8 septembre malgré la suspension.
La junte du capitaine Ibrahim Traoré, arrivée au pouvoir il y a trois ans, fait face aux violences de djihadistes qui frappent de larges pans de son territoire. Elle a rompu avec plusieurs puissances occidentales, la France en tête, régulièrement accusée de vouloir déstabiliser le pays, ce que Paris nie. Elle a exigé le départ en 2023 des soldats engagés dans la lutte antidjihadiste et a expulsé des diplomates français l’an dernier. Quatre fonctionnaires français accusés d’espionnage avaient aussi été détenus pendant un an à Ouagadougou, avant d’être libérés en décembre 2024 avec l’aide d’une médiation marocaine.
Entre juin et juillet, la junte a par ailleurs révoqué en l’espace d’un mois l’autorisation d’exercer de 21 ONG et suspendu dix autres associations pour une durée de trois mois. Les voix critiques du régime sont durement réprimées au Burkina Faso, où de nombreux cas d’enlèvements d’individus ont été rapportés depuis plus d’un an. Le capitaine Traoré est notamment accusé d’utiliser de manière abusive un décret de mobilisation générale permettant d’enrôler de force des citoyens sur le front. Ces derniers mois, le régime a libéré une dizaine de personnes enlevées ou arrêtées puis mobilisées, notamment deux figures de la société civile lundi soir.
Fin 2024, le Niger, pays voisin également dirigé par une junte militaire hostile à la France, avait aussi révoqué l’autorisation d’exercer d’INSO sur son territoire. Avec le Mali, où des militaires sont aussi au pouvoir, ces trois pays sahéliens sont confrontés depuis des années à des violences djihadistes qu’ils peinent à enrayer. Ils se sont rapprochés pour former une confédération, l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Un ressortissant français est détenu à Bamako depuis début août, accusé de travailler « pour les services de renseignement français » – des accusations « sans fondement », selon le Quai d’Orsay.