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Le premier ministre, Michel Barnier, juge la situation budgétaire du pays « très grave », et n’a pas exclu l’hypothèse d’augmenter les impôts. Un tabou pour les macronistes, alors que les deux quinquennats d’Emmanuel Macron ont été jalonnés par des réductions ou des suppressions d’impôts. Le ministre des finances démissionnaire, Bruno Le Maire, a d’ailleurs revendiqué, dans son discours d’adieu à Bercy, avoir réalisé « 55 milliards d’euros de baisses d’impôts ». Dans un rapport paru en juillet, la Cour des comptes estime que les baisses d’impôts depuis 2018 ont contribué à dégrader le déficit public : « l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023 ».

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Dans le détail, les réductions ou suppressions d’impôts ont plutôt profité aux plus aisés ou aux entreprises, et la majorité des ménages a dû se contenter de quelques mesures en faveur du pouvoir d’achat.

Transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière

Depuis quand ? Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a été mise en place en 2018.

Qui est concerné ? L’IFI concerne les foyers fiscaux détenant un patrimoine immobilier dont la valeur nette (la différence entre la valeur des biens et les éventuels emprunts) est supérieure à 1,3 million d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition. Cette mesure bénéficie aux plus riches car elle exclut du calcul de l’impôt les valeurs mobilières et les placements. L’objectif de la réforme était de soutenir l’investissement privé et la croissance de l’économie française.

Quel manque à gagner ? Un rapport de France Stratégie de 2023 estime que, si l’ISF avait été maintenu, ses recettes « en 2022 auraient été égales à 6,3 milliards d’euros ». L’IFI ayant rapporté 1,83 milliard cette année-là, « la perte des recettes liées [au] remplacement [de l’ISF] par l’IFI se serait donc élevée à 4,5 milliards d’euros », selon France Stratégie.

Transformation en « flat tax » de l’imposition des revenus du capital

Depuis quand ? Outre la suppression de l’ISF, la loi de finances de 2018 a instauré un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, dit « flat tax », pour les revenus de l’épargne : revenus de capitaux mobiliers, dividendes, revenus fonciers…

Qui est concerné ? L’objectif est de simplifier et d’alléger l’imposition de l’épargne afin de rendre le régime fiscal plus attractif, notamment pour les plus fortunés. Le PFU se substitue à la taxation des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. Le précédent système, parfois perçu comme complexe et dissuasif, entraînait une taxation progressive, pouvant atteindre 60 % pour les contribuables les plus aisés, contre 30 % quel que soit le montant déclaré avec la mise en place de la « flat tax ».

Quel manque à gagner ? La mise en place du PFU en 2018 représente un coût de 1,8 milliard d’euros pour l’Etat, selon le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2022.

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Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

Depuis quand ? La loi de finances pour 2018 prévoyait aussi une baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % en 2017 à 25 % en 2022. Le tout en gardant le taux réduit de 15 % pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Le Monde

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Qui est concerné ? L’impôt sur les sociétés (IS), également appelé « impôt sur les bénéfices des entreprises », est prélevé sur les résultats des entreprises françaises. La réforme avait pour objectif de soutenir l’investissement privé et la croissance de l’économie.

Quel manque à gagner ? L’évaluation préalable de la loi de finances concernant la baisse du taux de l’IS retenait un coût budgétaire de 11,1 milliards d’euros. Les mauvaises performances économiques des entreprises imposées et la baisse du taux d’imposition ont également eu des répercussions sur les recettes fiscales : de 71 milliards d’euros en 2021, elles sont passées à 68 milliards en 2022, soit une diminution de 4 % selon les chiffres du Département des études et des statistiques fiscales.

Réforme de « l’exit tax »

Depuis quand ? En 2018, « l’exit tax » n’a pas été supprimée, comme l’avait d’abord annoncé Emmanuel Macron, mais révisée sous la forme d’un mécanisme plus ciblé afin de ne pas décourager les investisseurs.

Qui est concerné ? « L’exit tax » est un dispositif qui vise les chefs d’entreprise tentés par un exil fiscal. Institué en 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, son objectif est de lutter contre l’évasion fiscale en taxant à hauteur de 30 % les plus-values théoriques ou latentes réalisées par des Français possédant des parts dans des sociétés (actions, obligations…) au moment où ils déménagent leur résidence fiscale hors du pays. S’ils vendent leurs parts dans les quinze ans suivant le départ à l’étranger, ils seront imposés. Le 1er janvier 2019, la loi de finances a réduit à deux ans le délai de détention des actions après le départ (à partir duquel il y a exonération de « l’exit tax »).

Quel manque à gagner ? Entre 2012 et 2017, elle avait rapporté à l’Etat 138 millions d’euros, et concerné moins de 400 personnes par an en moyenne, selon Bercy. S’il est difficile de connaître les recettes de « l’exit tax », on peut considérer que la réduction du délai implique une diminution des rendements de cet impôt pour l’Etat. En 2022, l’Assemblée nationale a d’ailleurs voté le rétablissement dans sa version initiale de « l’exit tax », ramenant ainsi le délai à quinze ans, contre l’avis du gouvernement. Selon l’institut Montaigne, think tank libéral, ce rétablissement pourrait rapporter jusqu’à 67 millions d’euros par an.

Suppression de la taxe d’habitation pour les résidences principales

Depuis quand ? La suppression de cet impôt pour la résidence principale a été amorcée par la loi de finances de 2018, d’abord pour les ménages les plus modestes, avant d’être généralisée progressivement à tous les ménages le 1er janvier 2023.

Qui est concerné ? La taxe d’habitation s’appliquait à chaque foyer fiscal disposant d’un bien immobilier, qu’il soit locataire ou propriétaire. Supprimée sur les résidences principales, cette taxe est néanmoins maintenue pour les résidences secondaires pour les propriétaires ou usufruitiers de locaux meublés et de leurs dépendances. Il s’agissait d’un des engagements du président de la République en faveur du pouvoir d’achat des ménages via une baisse des prélèvements obligatoires.

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Quel manque à gagner ? Du côté des collectivités locales, la taxe d’habitation représentait 23,4 milliards de recettes en 2016. Mais l’Etat s’est engagé à compenser la perte. La suppression est globalement compensée par une allocation des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux collectivités locales. La poursuite de la réforme de la taxe d’habitation a donc davantage entamé le budget de l’Etat par des pertes de recettes de 2,8 milliards d’euros en 2023, selon le rapport de la Cour des comptes d’avril 2024.

Suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Depuis quand ? La suppression de la taxe d’habitation a entraîné avec elle la fin de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) en 2022. En effet, le recouvrement de la CAP était adossé à la taxe d’habitation.

Qui est concerné ? La CAP, anciennement appelée redevance audiovisuelle, est une taxe liée à la possession d’un poste de télévision. Elle finançait l’audiovisuel public, comme France Télévisions ou Radio France. Cette suppression entrait également dans le cadre des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages.

Quel manque à gagner ? Selon le rapport coécrit par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles, la CAP représentait 89 % du financement de l’audiovisuel public, et avait rapporté 3,1 milliards d’euros en 2020.

Supprimée depuis 2022, elle devait être suivie d’une réforme du financement de l’audiovisuel public qui n’a toujours pas été votée. La solution provisoire trouvée par le gouvernement pour compenser la perte est l’affectation d’une fraction de la TVA jusqu’à la fin de l’année 2024. Et après ? Pour le moment, le débat sur le projet de réforme est reporté.

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Suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Depuis quand ? Le taux de cet impôt a déjà été réduit de moitié en 2023 et devrait baisser progressivement (d’un quart chaque année) jusqu’en 2027, date de sa suppression totale.

Qui est concerné ? Assise sur la valeur ajoutée produite au cours de la période de référence, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) doit être payée par les entreprises qui génèrent un certain montant de chiffre d’affaires et dont l’activité est imposable à la cotisation foncière des entreprises. L’objectif de sa suppression est de poursuivre la réduction des impôts de production.

Quel manque à gagner ? La CVAE avait rapporté 9,6 milliards d’euros aux collectivités locales en 2021, et 9,3 milliards en 2022, dernière année à taux plein, contre 15 milliards en 2020.

Depuis le 1er janvier 2023, le produit de la CVAE est perçu par l’Etat et non plus par les collectivités locales. Pour combler la perte de ce transfert, c’est à nouveau une fraction de la TVA qui est mobilisée. Ainsi, la perte s’établit à environ 5 milliards d’euros pour l’Etat en 2023 (année où le taux avait déjà été réduit de moitié), selon l’évaluation des recettes pour 2024.

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