A quelques heures de sa déclaration de politique générale, François Bayrou a poursuivi lundi 13 janvier ses tractations, en particulier avec le PS, afin d’éviter la censure d’une partie de la gauche. Après une heure passée avec les présidents des deux chambres du Parlement, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, François Bayrou reçoit depuis 18 h 30 le patron du PS, Olivier Faure, et les chefs des députés et sénateurs socialistes, Boris Vallaud et Patrick Kanner, afin d’obtenir un accord de non-censure.
Déjà reçus dans l’après-midi par les ministres Catherine Vautrin, au travail et à la santé, Eric Lombard, à l’économie, et Amélie de Montchalin aux comptes publics, les négociateurs socialistes ont déploré qu’on leur présente une copie budgétaire « inacceptable en l’état ». Philippe Brun, député socialiste, qui a participé aux négociations budgétaires, a dénoncé sur BFM-TV « une mauvaise comédie ».
« Les réunions se sont bien passées toute la semaine et qu’est-ce qui nous a été présenté tout à l’heure ? C’est ni plus ni moins que le budget de Michel Barnier en moins bien, avec encore moins d’impôts pour les très très riches et avec un certain nombre de crédits qui vont baisser. J’ai l’impression d’avoir participé à une farce », a-t-il fustigé. Concernant la réforme des retraites, le socialiste a fait savoir que « finalement il n’y aura pas de suspension, seulement une grande discussion (…) Nos négociateurs demandent à Bayrou de se ressaisir ».
Les socialistes réclament que cette suspension soit effective dès le début de la renégociation de la réforme envisagée pour six mois avec les partenaires sociaux, et non pas uniquement en cas de succès de celle-ci. Si cette pause était techniquement faisable, cela voudrait dire que les personnes nées en 1963 pourraient partir à 62 ans et 6 mois (avec une durée de cotisation de 42 ans et un trimestre) au lieu de 62 ans et 9 mois (avec une durée de 42,5 ans) comme prévu.
S’il n’y a pas d’évolution du gouvernement sur ce sujet, le PS promet de voter la motion de censure que la France insoumise a annoncé déposer dans la foulée de la déclaration de politique générale et qui sera examinée jeudi ou vendredi. Faute de soutien du RN à cette motion, le gouvernement ne devrait de toute façon pas tomber cette semaine.
Divisions au sein du camp présidentiel
Cette suspension de la réforme des retraites divise au sein même du camp présidentiel. Certains semblent prêts à l’accepter, comme prix de la stabilité politique, à l’instar de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivetn qui a affirmé « ne pas être opposée par principe » au fait d’« arrêter » brièvement la réforme des retraites pour en « rediscuter ». D’autres en revanche s’y opposent, faisant valoir son coût, estimé autour de 3 milliards d’euros pour la seule année 2025.
« Suspendre c’est abroger, il faut arrêter de jouer sur les mots. On ne peut pas se permettre de détricoter la réforme des retraites », a prévenu le député macroniste Mathieu Lefèvre sur RMC. « Ça n’est jamais mauvais de discuter (…) Mais revenir en arrière, perdre du temps (et) placer la France dans une situation financière plus critique me paraît une mauvaise idée », a également mis en garde Edouard Philippe depuis sa ville du Havre.
A ses côtés, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a rappelé avoir soutenu cette réforme au nom de « l’intérêt supérieur de la nation », tout en jugeant qu’« il y a des choses qu’on peut négocier à nouveau », notamment « du grain à moudre » sur « l’usure professionnelle » et « l’emploi des seniors ».
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Le PS propose de financer cette suspension par le Fonds de réserve des retraites, créé à la fin des années 90 ; mais « ce n’est pas une cagnotte », a prévenu la ministre du travail Astrid Panosyan-Bouvet sur Radio J. De son côté, la droite menace de son côté de quitter le gouvernement si François Bayrou fait trop de concessions à la gauche.
Moscovici appelle à ne pas faire de compromis « au détriment des finances publiques »
Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a quant à lui appelé lundi à ne pas faire de compromis budgétaire « au détriment des finances publiques » même s’il ne « craint pas, pour la France, une crise financière au sens grec ». « On est devant une situation où on doit chercher le compromis et il est tout à fait logique que le gouvernement le cherche », a expliqué M. Moscovici sur BFM TV. « Mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment des finances publiques. »
Refusant de se prononcer directement sur le sujet d’une éventuelle suspension de la réforme des retraites, il a simplement rappelé qu’il fallait « réduire fortement nos déficits pour maîtriser notre dette ». « La réforme des retraites, elle est révisable, elle n’est pas parfaite, on le sait depuis le début », a-t-il commenté.
Pénibilité, carrières longues, âge pivot… « on peut débattre de tout ça, mais il faut que, financièrement, nos retraites soient soutenables », a-t-il déclaré, ajoutant : « il y a la question de savoir quel processus on ouvre pour que nos retraites soient financées. »