« Toutes les options sont ouvertes » : de Matignon, le nouveau président des Républicains (LR) et ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, n’a pas exclu, lundi 2 juin, un départ du gouvernement, refusant de porter au Parlement le scrutin proportionnel cher à François Bayrou.
Reçu avec Bruno Retailleau, qui l’a battu sèchement pour la présidence du parti, et avec son homologue au Sénat, Mathieu Darnaud, le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, s’est dit à la sortie « consterné » par son échange avec le premier ministre. « On a donc un pays dans lequel on a l’explosion de la dépense publique, des difficultés sur la sécurité et l’immigration contre lesquels se bat Bruno Retailleau, un pays dont on voit les difficultés de fonctionnement des services publics, et la priorité du premier ministre est donc le changement des règles électorales », a critiqué Laurent Wauquiez.
Nouvel homme fort de LR, qui s’exprimait pour la première fois publiquement devant la presse avec son concurrent battu, Bruno Retailleau s’est montré plus policé mais tout aussi explicite : comme ministre de l’intérieur, il refusera de porter cette réforme, cheval de bataille depuis trois décennies du premier ministre, François Bayrou, qui multiplie les consultations partisanes.
« Une forme d’impuissance publique »
L’ancien sénateur de Vendée a redit son opposition « très ferme, absolue à ce mode de scrutin », qui « pourrait déséquilibrer les institutions de la Ve République, qui a besoin d’une majorité pour bien fonctionner ». « Au moment où il faut prendre des décisions, le scrutin proportionnel à travers cette ingouvernabilité amènerait finalement à une forme d’impuissance publique », a-t-il fait valoir.
Bruno Retailleau a aussi argué que la proportionnelle « écartèlerait une fois de plus, encore un peu plus, la France des territoires ruraux et la France qui est plus urbaine », soulignant l’attachement de la droite à « un enracinement », un « lien entre le député, son territoire et la population qu’il représente ».
L’ancien premier ministre Michel Barnier, qui a aussi exprimé sur TF1 son opposition à la proportionnelle, s’est même permis de conseiller à son successeur à Matignon de « se concentrer sur les sujets importants » comme la réduction de la dette et « des actions pour rétablir l’ordre aux frontières et dans la rue ».
François Bayrou, à la recherche de 40 milliards d’euros d’économies, a réitéré ses ambitions dans Le Figaro. « Est-ce que j’ai conscience que c’est un risque maximal ? Oui, mais on ne peut pas faire autrement (…). Je ne me déroberai pas », a déclaré le premier ministre, menacé de censure sur le budget comme sur l’issue du conclave entre partenaires sociaux sur la réforme des retraites.
Consultations des forces politiques
La sortie alignée de LR jette toutefois un doute sur la survie du gouvernement de François Bayrou, dépourvu de majorité absolue à l’Assemblée nationale. « LR ne va pas quitter le gouvernement sur ce motif », assure une source proche du nouveau patron du parti. Mais « c’est une négociation politique ». Quitter le gouvernement, que le parti LR a rejoint après la dissolution et les élections législatives de 2024, « il faut que ça ait du sens ». « Il n’y a pas de calendrier idéal », mais « il faut que le timing soit compréhensible », explique cette source, évoquant les dossiers de la Nouvelle-Calédonie ou de l’évolution institutionnelle de la Corse.
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François Bayrou défend la proportionnelle au nom de la représentativité, sur le modèle de 1986, seule élection de ce type de l’histoire de la Ve République, adoptée par François Mitterrand et immédiatement abrogée par la droite revenue au gouvernement. Le premier ministre, qui a entamé le 30 avril une série de consultations des forces politiques, recevra mardi soir Les Ecologistes. Un projet de loi pourrait être examiné à la rentrée.
Le bloc central est divisé. Comme LR, Horizons, le parti d’Edouard Philippe, est opposé à cette réforme. Les macronistes ont changé d’avis sur le sujet, considérant que le scrutin uninominal majoritaire est désormais « le moins pire ». Le RN, favorable à une proportionnelle avec une prime majoritaire, a fait savoir qu’il pourrait s’accommoder du modèle de 1986.
A gauche, le Parti socialiste n’a pas encore arrêté sa position sur la proportionnelle, qui n’est « pas la priorité » du leader communiste Fabien Roussel, tandis que les députés de La France insoumise défendent un scrutin « à un échelon régional », tout comme le parti Place publique de Raphaël Glucksmann.