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Histoires Web lundi, septembre 16
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« Comment vous sentez-vous, madame ? », interroge la neurologue Helen Mayberg. « Plus légère », bredouille Brandy Ellis, la tête sertie d’un drap bleu. « C’est-à-dire ? », continue la médecin. « Je sens comme de l’air qui rentre dans mon corps », répond la patiente, allongée.

Cette conversation est enregistrée, le 12 octobre 2011, au bloc opératoire de l’hôpital universitaire Emory, à Atlanta (Etats-Unis). L’équipe médicale sollicite à intervalles réguliers la trentenaire américaine à qui l’on pose, sous anesthésie locale, un implant cérébral profond ciblant une zone du cortex préfrontal appelée « CG25 ». Brandy Ellis participe à cet essai clinique précurseur, car elle espère améliorer son grave état dépressif, qui a résisté à une vingtaine de traitements en quatre ans. L’opération, organisée par Helen Mayberg et réalisée par le neurochirurgien Robert Gross, va durer près de six heures et permettra d’installer, outre l’électrode, un circuit interne reliant celle-ci à une batterie localisée sous la peau, non loin de l’aisselle droite. Ce système complet doit délivrer de façon continue une stimulation électrique haute fréquence qui va inactiver la zone identifiée comme dysfonctionnelle.

Près de treize ans plus tard, à Paris, avant les Jeux olympiques. Toujours porteuse de l’implant, Brandy Ellis, 48 ans, est venue témoigner de son expérience à un colloque de neurotechnologie au Collège de France. Mise impeccable et coiffure soignée, elle explique ne plus se sentir déprimée au quotidien et considère cette opération comme le plus beau jour de sa vie. « Je suis un cyborg, comme ces personnes blessées des anciennes séries télévisées qui devenaient bioniques [en référence à L’Homme qui valait 3 milliards (1973-1978) ou Super Jaimie (1976-1978)] », ajoute-t-elle dans un sourire. Cette diplômée d’un Master of Business Administration (MBA) devenue cadre dans une société internationale d’assurances masque cependant avec talent un quotidien pas si simple. Au fil des questions posées lors de notre conversation, elle va répondre « je ne sais pas » à maintes reprises, avant de faire défiler, sur l’écran de son smartphone, des centaines de lignes répertoriant sa propre histoire : ses dates-clés, ses traitements, les dosages reçus… Son téléphone contient même des extraits vidéo de son opération. « Entre mars et septembre 2008, deux ans avant l’implantation, j’ai subi vingt-quatre séances d’ECV [électroconvulsivothérapie, ex-électrochocs] », précise-t-elle. « Cela a laissé des traces. J’ai perdu une partie de ma mémoire. »

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