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Ceux et celles qui fréquentent Langue sauce piquante (ou LSP) depuis longtemps, avant que ce blog fasse son entrée dans les pages (internet) du Monde, savent que la partie féminine de LSP participe à la Commission d’enrichissement de la langue française, ou CELF pour faire plus court, une émanation du ministère de la culture. « Pour éviter que, dans certains domaines, les professionnels soient obligés de recourir massivement à l’utilisation de termes étrangers qui ne sont pas compréhensibles par tous (c’est nous qui soulignons), la création de termes français pour nommer les réalités d’aujourd’hui doit être encouragée et facilitée : la production terminologique en français est donc un impératif. C’est pourquoi, depuis plus de cinquante ans, les pouvoirs publics incitent à la création, à la diffusion et à l’emploi de termes français nouveaux », ainsi cette Commision définit-elle son rôle.

La CELF se réunit chaque mois, examinant des listes de vocabulaire concernant des domaines variés : relations internationales, économie et finances, chimie, informatique, automobile, droit, logistique urbaine… Et avant chaque réunion, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France envoie aux membres de la Commission une documentation très fournie (et passionnante) sur les occurrences des termes qui seront étudiés. Lors d’une réunion récente de la Commission, furent notamment examinés des termes de l’économie et des finances, et il fut question de « matières premières physiques ».

Question de néophyte : est-il possible qu’une matière première ne soit pas physique ? Réponse : mais oui !, comme nous l’a expliqué plus en détail un des experts du collège « économie et finances ». (Collèges : c’est ainsi que sont nommés les groupes d’experts de la CELF chargés de proposer des équivalents français aux termes anglais.) Donc, oui : non seulement il existe des matières premières physiques (blé, pétrole, canne à sucre, caoutchouc…) mais aussi des non physiques, et c’est là que notre expert nous répond :

« Les entreprises sont confrontées à la volatilité du cours des matières premières et disposent depuis longtemps d’instruments de couverture proposés par les banques ou les marchés financiers. Ainsi peuvent-elles se protéger contre une évolution défavorable du cours du pétrole, du gaz, du cuivre, du cacao, du café, du blé…, comme elles le font sur les variables financières, taux d’intérêt, cours de change ou encore indices boursiers. On a même créé un marché à terme sur le beurre, qui permet à l’industrie agroalimentaire de se protéger contre la volatilité des cours. Mais l’accroissement de la volatilité des indices climatiques – température, niveau des précipitations, vitesse du vent, hauteur de neige… – a créé un risque nouveau pour de nombreuses entreprises dont le résultat est très affecté par le niveau de ces variables. A titre d’illustration, une étude a montré qu’une variation de 1 degré Celsius l’été dans le sud de l’Europe entraînait une variation de 7,5 % de la consommation de bière, et deux degrés…, 15 %. Chez les brasseurs, le niveau de la température est devenu l’un des premiers facteurs de risque, peut-être plus que la volatilité de l’euro-dollar ou celle des taux d’intérêt. »

Chocolat et indices climatiques

Sans craindre le mélange, quittons la bière pour le chocolat, en suivant toujours les explications de notre expert : les marchés financiers, prenant en compte ce « nouveau risque » qu’est le niveau de la température, ont répondu « en introduisant des instruments de couverture portant sur ces nouvelles “matières premières”, telle la température. Ainsi le fabricant de chocolat, dont la demande est inversement corrélée à la température l’été, peut-il couvrir son budget en achetant à terme la température, nouvelle matière première financière. S’il achète par exemple à terme la température Paris échéance août 2025 à 24 degrés et que la température effective relevée fin août a été de 27 degrés, il revendra son contrat en réalisant un profit de 3 degrés Celsius, soit 3 millions d’euros si le contrat prévoit la valorisation d’un degré à 1 million d’euros. Ce gain sera supposé compenser la perte financière associée à la réduction des ventes de chocolat… »

Les indices climatiques, on n’y penserait pas d’emblée, c’est donc un marché, et pour revenir au fabricant de chocolat, « à la différence des marchés de matières premières “physiques”, la livraison à l’échéance n’est évidemment pas possible… Le fabricant de chocolat ne recevra pas une température de 25 degrés ! Mais il revendra son contrat en réalisant un gain supposé compenser sa perte associée à la baisse des ventes ».

Y penserez-vous en ouvrant une tablette de chocolat tout en sirotant une bière sous un soleil de plomb ?

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