« Nous devons nous battre pour défendre notre journalisme », a déclaré mardi 11 novembre Tim Davie, le directeur général démissionnaire de la BBC. M. Davie s’exprimait pour la première fois devant les employés de l’institution depuis l’annonce de sa démission dimanche en raison de la polémique : Donald Trump a menacé lundi de poursuivre en diffamation le groupe audiovisuel public britannique pour un montage trompeur de l’un de ses discours. « Nous sommes une organisation unique et précieuse, et je vois la liberté de la presse mise à rude épreuve », a encore déclaré Tim Davie devant les salariés, tout en reconnaissant « un manquement [aux] règles éditoriales [du groupe] » .
Les avocats du président américain ont donné jusqu’à vendredi 22 heures (23 heures à Paris) à la BBC pour présenter ses excuses, et retirer le documentaire incluant le montage trompeur diffusé fin octobre 2024. A défaut, ils réclameront en justice un milliard de dollars de dommages et intérêts, selon le courrier qu’ils ont envoyé à la BBC.
Le groupe audiovisuel, secoué ces dernières années par plusieurs polémiques, a affirmé qu’il répondrait à ce courrier « directement en temps voulu ». Le président du conseil d’administration de la BBC, Samir Shah, a présenté lundi les excuses de la BBC et reconnu « une erreur de jugement », sans s’adresser directement à Donald Trump.
L’affaire a déjà coûté leur poste à Tim Davie et à la patronne de la chaîne d’information BBC News, Deborah Turness. La polémique est aussi embarrassante pour le gouvernement travailliste de Keir Starmer, qui s’enorgueillit d’avoir établi de bonnes relations avec l’administration Trump.
La révision du contrat du groupe audiovisuel
La ministre de la culture, Lisa Nandy, a rendu mardi après-midi devant les députés un hommage appuyé à la BBC, en évitant soigneusement de parler des menaces du président américain. Tout en reconnaissant l’existence de « problèmes graves » dans le fonctionnement de la BBC, elle a appelé à éviter les « attaques soutenues » contre une institution « au cœur de notre vie démocratique et culturelle depuis plus d’un siècle ».
Le porte-parole du gouvernement a lui aussi refusé tout commentaire sur une possible action en justice. « C’est à la BBC de répondre sur les questions éditoriales, et nous avons une relation étroite avec les Etats-Unis sur nos priorités communes », a-t-il souligné.
Cette affaire tombe alors que le groupe audiovisuel, qui tire l’essentiel de ses revenus de la redevance, doit renégocier d’ici fin 2027 son contrat de mission décennal avec le gouvernement. La révision du contrat va démarrer « avant la fin de l’année », a annoncé Lisa Nandy au Parlement. « Nous veillerons à ce que la BBC bénéficie d’un financement durable », qui lui permettra de rester « farouchement indépendante », a promis la ministre.
Des critiques persistantes sur l’impartialité de la BBC
L’affaire a révélé les tensions croissantes au sein du conseil d’administration de la BBC, partiellement nommé par le gouvernement. Certains membres issus de la droite conservatrice accusent les programmes d’information d’être partiaux sur des sujets comme la guerre à Gaza, les droits des personnes transgenres et Donald Trump.
Le député conservateur chargé de la culture, Nigel Huddleston, a encore jugé mardi que le traitement de l’actualité à la BBC avait « de vrais problèmes, et ne respect[ait] notamment pas son devoir d’impartialité ». Pour l’ancien président de la BBC, Richard Tait, ce média fait l’objet « d’attaques sans répit » des conservateurs et du parti d’extrême droite Reform UK, qui ont « contribué à saper la confiance du public ».
Donald Trump a multiplié les menaces et poursuites contre les médias américains, mais une procédure contre la BBC serait difficile à défendre devant un tribunal, selon plusieurs experts. Le président américain envisage d’ouvrir une procédure en Floride, où il réside, le délai d’un an après l’infraction supposée pour déposer plainte en diffamation au Royaume-Uni étant dépassé.
La loi américaine est plus protectrice de la liberté d’expression, et la BBC n’a qu’une « très faible audience » aux Etats-Unis, souligne auprès de l’Agence France-Presse l’avocat spécialiste en droit des médias, Matthew Gill. En revanche, elle permet de réclamer des dommages et intérêts bien plus importants.










