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Histoires Web mercredi, octobre 9
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En 2018, la superproduction du Musée du quai Branly « Enfers et fantômes d’Asie » avait marqué les esprits. Après les fantômes, âmes sans corps, place aux zombis, corps sans âme : l’institution parisienne propose cette fois une petite exposition aussi inédite que passionnante, « Zombis. La mort n’est pas une fin ? », à la croisée de la recherche de terrain, de l’histoire, des sciences et de la pop culture sur d’autres morts qui ne se tiennent pas tranquilles : les zombis originels du vaudou haïtien.

A revers des morts-vivants hollywoodiens, qui en sont les dérivés et nous sont plus familiers, le parcours propose une plongée aux racines anthropologiques de la zombification. Le zombi, le vrai, est afro-caribéen, issu du vaudou haïtien, religion syncrétique qui mêle celles de l’Afrique subsaharienne, de la côte ouest et d’une partie de l’Afrique centrale au catholicisme. Au cours des trois mois que durait la capture, la traversée transatlantique et la vente des personnes esclavagisées, on leur inculquait de force des notions de catholicisme romain. Aussi, les croix et les saints sont omniprésents dans le vaudou haïtien, mais des croix fétichisées, parfois même anthropomorphes.

On retrouve également dans les sanctuaires vaudous d’Haïti des objets amérindiens, associés aux rituels par un effet d’ancrage territorial. Ce sont en effet les habitants autochtones de l’île, les Taïnos, issus de la tribu mère des Arawak, présents dans toutes les grandes Antilles, lors de l’arrivée des Européens, qui ont transmis les secrets des poisons et des plantes aux esclaves dits « marrons », échappés des plantations. Le temple vaudou reconstitué à l’échelle 1/1 au début du parcours permet de rendre compte de ce syncrétisme des rituels : au-delà des croix et des fétiches, on y découvre les « vévés », ces petits tracés au sol qui viennent d’une tradition taïnos et qui servent à convoquer les « loas », les divinités.

Armée des ombres

Le vaudou haïtien n’est pas de la sorcellerie, mais une religion structurée en sociétés secrètes, dont celle des Bizango, chargés des questions de justice, et donc de la zombification d’individus jugés coupables de forfaits, et condamnés à errer comme des morts-vivants. Parmi les nombreux objets et représentations qui étayent l’exposition, les fétiches bizango, en tissu noir et rouge, de taille humaine et aux yeux en miroir, sont les plus saisissants.

Personnage Bizango, Haïti, début du 21e siècle.

Ils sont présents lors des jugements, comme on peut le constater en pénétrant dans le sanctuaire bizango appelé l’« armée des ombres » − autre reconstitution d’un lieu-clé des rites du vaudou haïtien, avec le péristyle et un cimetière −, où ces fétiches grandeur nature font face à l’accusé. Un scan d’un fétiche révèle qu’ils sont composés d’objets, notamment d’une croix de cimetière, du crâne d’un ancien Bizango et de bouteilles qui renferment des âmes.

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