L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Après un premier long-métrage au titre hugolien non distribué en France (Demain dès l’aube, 2016), le réalisateur franco-tunisien Lotfi Achour, qui vient de l’univers du théâtre, signe avec Les Enfants rouges son deuxième long-métrage de cinéma, un film plus que remarquable. La première raison est que cette œuvre s’enracine dans une horreur de la pire espèce, qui aura vu, le 13 novembre 2015, dans la montagne de Mghilla, en Tunisie, près de la frontière algérienne, un jeune berger nommé Mabrouk Soltani, âgé de 16 ans, se faire décapiter par un groupe d’islamistes affiliés à Daech, qui le soupçonnent d’être un espion à la solde de l’armée. Son cousin, qui l’accompagnait, est chargé par les assassins de rapporter la tête du jeune homme à sa famille, en guise d’édification morale. Elle y sera placée dans un réfrigérateur en attendant que le corps soit retrouvé. Dix-huit mois plus tard, son frère, revenu sur les lieux, y connaîtra exactement le même sort.
L’affaire tétanisa la Tunisie. Un tel point de barbarie, de cruauté, de non-respect des vivants et des morts, de démembrement et de privation des corps pour accuser la souffrance des proches ne se rencontre pas tous les jours. De ce dernier degré de l’infamie, que peut bien faire – sinon un film d’horreur et encore – le cinéma ? Des œuvres réalisées jusqu’à présent sur ce type d’agissements, celle de Lotfi Achour est la plus convaincante, la plus sensible, la plus belle. Parce qu’elle n’accorde pas la grâce, ne serait-ce que d’une seule image aux assassins. Parce qu’elle prend le parti de l’enfance meurtrie. Parce que, enfin, et en dépit de tout, elle se tourne vers, sinon la réparation, du moins la poursuite du monde et de la vie.
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