Meilleures Actions
Histoires Web vendredi, octobre 25
Bulletin

LETTRE DE LONDRES

La dernière chose à laquelle on s’attendait en ce début d’automne maussade, entre rentrée scolaire et premiers pas du gouvernement Starmer, c’était de recevoir au courrier une inquiétante section 21 eviction notice. Il s’agit du congé que peut notifier au locataire le propriétaire d’un bien locatif privé en Angleterre ou au Pays de Galles pour libérer sa propriété, quand se sont écoulés au moins six mois depuis le début du bail. Qu’importe si le locataire a des enfants scolarisés, est âgé ou handicapé : il a deux mois pour vider les lieux, c’est d’ailleurs pourquoi la procédure s’appelle aussi « no fault eviction » : l’expulsion a lieu sans que le locataire soit en faute.

Certains propriétaires sont accommodants : ils tolèrent leur locataire quelques semaines de plus, si ce dernier éprouve des difficultés à trouver un autre toit. Les locataires qui refuseraient de se conformer à leur congé doivent rester dans leur logement au-delà de la date à laquelle ils doivent être partis et attendre que le propriétaire saisisse les tribunaux.

Ils peuvent alors contester la notification de la fin du bail, mais l’association caritative Citizens Advice (offrant des conseils aux personnes expulsées ou surendettées) les met en garde : ils risquent d’avoir à rembourser les frais de justice de leur propriétaire s’ils perdent leur procès. De quoi décourager toute velléité contestataire, quand ces frais peuvent rapidement grimper à plusieurs milliers de livres sterling.

« Endurer plutôt que risquer de se plaindre »

Les personnes ou ménages aux revenus les plus limités sont souvent les premières victimes des no fault evictions, faute d’avoir pu accumuler suffisamment de capital pour s’acheter leur propre logement – il faut compter presque 700 000 livres sterling (840 000 euros) en moyenne pour une maison à Londres, 300 000 livres sterling (360 000 euros) ailleurs en Angleterre. L’éviction et les frais qu’elle entraîne (déménagement, etc.) leur coûtent souvent les quelques jours de vacances qu’ils espéraient s’offrir ou la voiture d’occasion qu’ils convoitaient. Mais ses implications sont plus profondes : la section 21 eviction notice place les locataires dans un état de grande vulnérabilité.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Au Royaume-Uni, les syndicats s’opposent à la poursuite de l’austérité

Ils sont souvent incapables de se projeter dans l’avenir, vivent dans la crainte d’être poussés dehors à tout moment, à leur insu. Les contrats de location à long terme n’existent d’ailleurs pas vraiment en Angleterre et au Pays de Galles et ne mettent pas à l’abri d’une no fault eviction. « Cette instabilité peut avoir un effet délétère sur l’éducation des enfants et les fréquents déménagements rendent plus difficile pour les locataires de mettre assez [d’argent] de côté pour déposer une nouvelle caution », selon une enquête publiée en 2018 par le gouvernement de Theresa May. « Des locataires préfèrent endurer des conditions de logement mauvaises de peur d’être expulsés s’ils se plaignent », pointait encore l’étude.

Il vous reste 48.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.