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Histoires Web mardi, novembre 5
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Il y eut un avant, où Emmanuel Mouret jouait lui-même dans ses propres films, sortes de comédies romantiques à la française, de Laissons Lucie faire (2000) jusqu’à Caprice (2015), un rôle taillé sur mesure d’ingénu maladroit, déboulant avec force gaffes dans la ronde des sentiments. Et puis, avec Mademoiselle de Joncquières (2018), il s’est retranché derrière la caméra, se consacrant entièrement aux autres comédiens, dont il réunit à chaque film de subtiles combinaisons. Retrouver le cinéaste dans une rue du 13e arrondissement, à Paris, c’est, le temps d’une courte hallucination, retomber sur son ancien personnage : cheveu folâtre, nez au vent, demi-sourire rêveur, veste et foulard du postétudiant, depuis passé maître, mais sans en avoir l’air.

Trois amies, son dernier long-métrage, présenté à la Mostra de Venise en septembre, est une fugue amoureuse pour trois interprètes féminines – India Hair, Camille Cottin et Sara Forestier – sur une gamme élargie courant du rire aux larmes. « Si la trame de base était plutôt tragique, je ne voulais pas verser intégralement dans le mélodrame, confie Emmanuel Mouret. Mais plutôt entrelacer la gravité à la fantaisie, au cocasse. Comme chez Leo McCarey ou Billy Wilder, on passe du grave au léger – et l’on ne part jamais que des films qu’on aime. En peinture, on parlerait de contraste, en musique de contrepoint. »

L’idée de départ se trouverait chez le philosophe coréen Byung-Chul Han, dans La Société de transparence (PUF, 2017), idéal moderne qu’il oppose à une véritable société de confiance. « Cela m’a fait penser que, en amour, la confiance ne s’établit pas non plus sur une transparence totale. »

En vase clos

D’un terme l’autre s’ouvre, en effet, un espace propice à l’imagination mourétienne, celle des inconstances amoureuses et des circulations du désir. Dans ses films, une relation en cache toujours une autre, tout couple fait domino et tire vers la triangulaire. « L’individu moderne est toujours profondément clivé, précise le cinéaste. D’un côté, il est tenu par la société, soit le respect de ses engagements, de l’autre par la prise en compte de ses propres désirs. » Comment concilier les deux ? « Cette question intéresse toujours la fiction. Elle est la même dans un film de couple ou dans un film de gangsters : celui qui respecte les règles du clan, que se passe-t-il le jour où on l’oblige à tirer sur son meilleur ami ? Là, il commence à y avoir du cinéma. »

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