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L’acronyme du collectif à l’origine de Beretta 68, un spectacle dont la violence fourbit les mots, mais n’effleure pas la scène est le suivant : FASP pour « filles à son papa ». Huit élèves formées à l’école du Théâtre national de Strasbourg ont fédéré leurs convictions et leurs compétences. Elles sont actrices, costumières, scénographes, régisseuses. Elles militent pour l’association (non mixte) de leurs forces, la transversalité de leurs gestes et la déhiérarchisation de leurs fonctions.

Elles ont construit une pièce à partir d’extraits du SCUM Manifesto de Valerie Solanas (1936-1988), dont l’autrice disait l’avoir écrit du « plus profond des marais puants du patriarcat ». L’histoire est injuste qui n’a retenu de cette activiste que son mémorable fait d’armes (c’est le cas de dire), puisque, en 1968, elle a tenté en vain d’assassiner Andy Warhol. Solanas est alors passée pour une folle. Une analyse trop réductrice pour les amazones de FASP, qui restaurent leur « héroïne » dans sa pleine envergure de poétesse militante, fauchée et solitaire, mais obsédée par le besoin d’écrire et de devenir célèbre.

Légitimer le droit à la vengeance

La radicalité de Valerie Solanas avait des raisons d’être. Violée enfant par son père, elle haïssait les hommes au point de vouloir tous les tuer. Un programme sans concession que les actrices ont décidé de traiter au pied de la lettre. Leur représentation envisage donc l’éradication des hommes cisgenres comme une option souhaitable face à la domination masculine. Ce postulat les conduit à user d’argumentaires troublants qui légitiment le droit à la vengeance : « Lorsque Jacqueline Sauvage, après avoir été battue pendant quarante ans par son mari, se lève un matin et prend son fusil pour l’abattre, qui peut dire qu’elle a eu tort ? », interroge une des interprètes.

Pas sûr que le public aille très loin dans l’élaboration d’une réflexion commune avec des questions qui se contentent d’exciter les pulsions, d’autant que leur contrepied, nourri par le va-et-vient des paroles échangées, est à peine audible. Au temps des tragédies, la loi du talion sévissait pour le pire, rarement pour le meilleur. Euripide et Eschyle ont traité le sujet bien mieux que ne le font les FASP.

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Dans un décor de laverie automatique, les actrices exposent leur projet théorique, alternant les prises à partie du spectateur avec des séquences qui ressuscitent le quotidien de Valerie Solanas. Elles rappent et débattent. Elles fabriquent des cocktails Molotov dans des canettes de bière. Endossent des manteaux gris, enfilent des cagoules de plastique, sortent des revolvers et visent droit devant. Elles font bloc, c’est certain. Le problème, c’est qu’elles se tiennent sur une scène dont le théâtre est absent.

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