LETTRE DU BENELUX
Historien et maître de conférences à l’Open Universiteit de Heerlen, dans le Limbourg néerlandais, Martijn van der Burg est formel : c’est « une catastrophe linguistique, discrète mais préoccupante », qui menace aux Pays-Bas. Et l’enseignement de la langue française est particulièrement en péril, dit-il, dans ce pays où seule une élite, généralement assez âgée, pratique encore régulièrement la langue de Voltaire.
De grandes universités comme celles de Leyde, Amsterdam, Nimègue et Groningue maintiennent difficilement un programme d’études françaises, quitte à l’inclure désormais dans des programmes de « langues et cultures européennes ». A Utrecht, les autorités académiques ont même annoncé, fin octobre, leur intention de supprimer progressivement leur programme Franse taal en cultuur – « langue et culture françaises » – à partir de 2026.
Platform Frans, un réseau qui regroupe plus d’un millier d’experts néerlandais dans le domaine de la langue et de la culture françaises, a publié, le 1er novembre, un appel à la préservation des apprentissages du français à tous les niveaux de l’enseignement. Sept personnalités issues des plus grands établissements du pays y prônent le maintien des cours d’« une langue voisine parlée dans le monde entier » et la sauvegarde de liens étroits avec « une société francophone qui est littéralement la nôtre ». Sans compter, insistent-ils, que « les étudiants de français développent une vision du monde plus large que ceux qui ne maîtrisent que le néerlandais et l’anglais ».
Plan d’économies d’un milliard d’euros
A ce stade, l’appel lancé au doyen de l’université d’Utrecht afin qu’il préserve le programme Frans taal en cultuur de son établissement a cependant peu de chances d’être entendu : l’ensemble du monde universitaire néerlandais est sous le choc après l’annonce d’un plan gouvernemental visant à économiser un milliard d’euros dans le domaine de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation. Une manifestation prévue à Utrecht, jeudi 14 novembre, devait rassembler des milliers de participants mais elle a été annulée in extremis, par crainte de nouveaux débordements après les violents incidents survenus à Amsterdam une semaine plus tôt, à l’issue du match entre l’Ajax Amsterdam et l’équipe israélienne du Maccabi Tel-Aviv.
Confrontées à ce que Marileen Dogterom, présidente de l’Académie royale des sciences, appelle « la parfaite tempête » déclenchée par le plan d’austérité du gouvernement de droite et d’extrême droite, les universités sont contraintes de préparer des plans de licenciement et de suppression de filières. Et les langues sont d’autant plus dans le viseur qu’un projet ambitionne, par ailleurs, de « néerlandiser » certaines formations actuellement délivrées en anglais. Avec un double objectif : redonner, comme le réclament les formations populistes, une plus grande place à la langue nationale mais aussi limiter l’afflux d’étudiants étrangers, dont le nombre n’a cessé de croître entre 2015 et 2023. Lors de la dernière rentrée, en revanche, le nombre d’étudiants étrangers a baissé, passant de 18 600 à 17 400.
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