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Mission terminée pour Elon Musk à la tête du département de l’efficacité gouvernementale (DOGE). Mais, au bout du compte, le contrat est loin d’être rempli. Le multimilliardaire a officiellement quitté son poste d’« employé spécial du gouvernement », vendredi 30 mai, sur un bilan douteux tant sur la forme que sur le fond et, en tout cas, très en deçà des promesses initiales de réduire de « 1 000 milliards de dollars » le « gaspillage » dans la dépense publique américaine.

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Donald Trump avait lancé ce programme en assurant que son retentissement serait équivalent à celui du projet Manhattan, qui avait permis aux Etats-Unis de construire la première bombe nucléaire à la fin de la seconde guerre mondiale. Quatre mois après, le DOGE prend des allures de pétard mouillé et semble avoir créé davantage de chaos dans la fonction publique que d’économies pour le budget de l’Etat.

Celles-ci s’élèveraient à 175 milliards de dollars (153 milliards d’euros), selon un décompte officiel sujet à caution. Chiffres invérifiables, souvent gonflés, données obsolètes : le bilan, largement enjolivé, peine à dissimuler une chasse aux coûts dont le ressort est essentiellement idéologique et l’efficacité de façade.

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Cet échec était prévisible. Dès lors que Donald Trump avait promis de ne pas toucher au budget de la défense ni à celui de la protection sociale, le périmètre des dépenses sur lesquelles Elon Musk pouvait jouer était réduit à la portion congrue. Les ambitions disproportionnées ne pouvaient que se transformer en défouloir antiétatiste.

Un cynisme rare

La méthode s’est résumée à des coupes aveugles dans les agences gouvernementales et les effectifs de fonctionnaires, sans audit préalable de leur utilité publique. Inexpérience et méconnaissance du fonctionnement de l’Etat ont conduit les équipes d’Elon Musk à affaiblir certains dispositifs de santé publique, de sécurité nucléaire, de régulation aérienne, d’éducation et de recouvrement de l’impôt, sans se soucier de leurs effets contre-productifs à moyen terme sur l’économie des Etats-Unis.

Faute de marges de manœuvre, le DOGE s’est rabattu sur des victimes expiatoires comme le programme de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), chargée en particulier de l’aide humanitaire. Cette décision démagogique d’un cynisme rare a fait basculer la vie de millions de personnes à travers le monde pour des économies ridicules à l’échelle du budget américain, et au prix d’un recul durable de l’influence du pays sur le plan international.

Pendant qu’Elon Musk tentait de faire des économies tenant plus de l’esbroufe que d’un plan de réforme de l’Etat calibré, Donald Trump a fait passer le 22 mai à la Chambre des représentants un projet de budget alourdissant de 3 300 milliards de dollars le déficit public sur les dix prochaines années. Cette dérive budgétaire en dit long de la sincérité du président des Etats-Unis pour réduire les dépenses sous le couvert d’« efficacité gouvernementale ».

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L’effet le plus spectaculaire du DOGE tient sans doute dans l’élan qu’il a donné à tout un courant de pensée à travers le monde prêt à croire qu’il suffisait de se saisir d’une tronçonneuse pour couper dans les budgets publics et résoudre instantanément les problèmes. Il faut espérer que, avec Elon Musk, l’illusion qu’un Etat se gère comme une entreprise fasse long feu. Entre des objectifs non atteints et un management aboutissant à braquer ses équipes, quel patron survivrait à un tel bilan ?

Le Monde

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