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Depuis son arrestation le 16 septembre, les rebondissements de l’affaire Sean Combs (alias Diddy) sont largement commentés dans la communauté MAGA – le nom des partisans de Donald Trump, d’après le slogan de campagne « Make America Great Again ». Entre la stratégie de dénigrement tous azimuts de Kamala Harris et, chez les plus radicaux, la conviction de l’existence de réseaux pédosatanistes, les accusations de complicité à l’encontre de la candidate démocrate se multiplient.

Alors que Donald Trump en personne a relayé les insinuations visant son adversaire, présentée comme une « cliente » du chanteur et producteur Sean Combs, plusieurs partisans de Kamala Harris ont manifesté leur colère face à ces rumeurs.

Cette séquence politique d’une rare violence est le dernier avatar des attaques diffamantes, souvent dénuées de la moindre preuve, portées depuis désormais huit ans par le camp Trump contre ses adversaires politiques.

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Un terrain préparé par le « PizzaGate » et l’affaire Epstein

Dès l’automne 2016, en pleine campagne électorale, un mythe urbain né de forums Internet d’extrême droite accusait les cadres du Parti démocrate de se livrer à des orgies pédosatanistes dans le sous-sol d’une pizzeria de Washington. Bien que montée de toutes pièces, la boule puante, surnommée « PizzaGate », avait pénalisé Hillary Clinton dans sa campagne face à Donald Trump.

Lire notre archive (2016) | « Pizzagate » : d’une rumeur en ligne aux coups de feu dans une pizzeria

Depuis, elle s’est agrégée à une vaste mythologie conspirationniste délirante autour d’une figure imaginaire, Q, et de sa communauté, les QAnon, qui aideraient Donald Trump à faire tomber un réseau pédophile et sataniste mêlant démocrates, Hollywood et élites mondiales. Cet imaginaire sordide s’est nourri d’une authentique affaire, celle du financier influent à l’interminable carnet d’adresses, Jeffrey Epstein, arrêté le 6 juillet 2019 pour trafic sexuel et retrouvé pendu dans sa cellule un mois plus tard, le 10 août. L’enquête avait révélé un système organisé de viols sur des adolescentes.

Une partie de l’électorat trumpiste espère alors des révélations fracassantes impliquant leurs adversaires démocrates, en vain. Ce qui n’empêche pas de nombreux supporteurs de compiler depuis 2020 des extraits vidéo orientés de Joe Biden en présence de petites filles pour suggérer un penchant pédocriminel. Sa vice-présidente Kamala Harris a aussi été visée, souvent avec des photos retouchées ou générées par intelligence artificielle, la montrant aux côtés de Jeffrey Epstein.

Les germes d’une instrumentalisation

Le 16 novembre 2023, une première plainte pour viol, violence et trafic sexuel est déposée contre Sean Combs. Dans les jours et mois qui suivent, près d’une dizaine d’autres s’y ajoutent, et commencent à dessiner un système organisé de violences sexuelles en groupe comparable, par son ampleur, à celui dont était accusé Jeffrey Epstein.

Et si Sean Combs devenait le nouvel épouvantail de la vie politique américaine ? En mars, alors que les résidences de celui-ci viennent d’être perquisitionnées, Fox News souligne que la star « est depuis longtemps un soutien généreux des démocrates ». La chaîne conservatrice insiste sur ses relations cordiales avec Barack Obama et son engagement en faveur de Joe Biden en 2020, mais occulte sa proximité avec Donald Trump.

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A l’été, d’autres photos et vidéos, tout aussi manipulées, commencent à associer la candidate démocrate au rappeur. « N’oubliez jamais comment Kamala Harris a débuté. Elle n’est pas non plus étrangère aux soirées Diddy à Los Angeles », affirment des comptes trumpistes, alors que la vice-présidente vient de succéder à Joe Biden dans la campagne. Et tant pis si les prétendues preuves consistent à chaque fois à montrer non pas Diddy, mais l’ancien compagnon de la candidate, l’acteur Montel Williams, lui aussi noir.

Des insinuations relayées par Trump lui-même

Depuis le 16 septembre, l’arrestation de Sean Combs à New York et son placement en détention provisoire pour trafic sexuel et extorsion, la machine à diffamation trumpiste intensifie ses attaques. Dès le 17 septembre, The Right to Bear Memes, un compte humoristique pro-Trump, publie une version trafiquée d’une photo prise à un événement caritatif en 2001. Par un photomontage grossier, la tête de Montel Williams est remplacée par celle du rappeur Diddy. « La liste des clients de Diddy va jusqu’au sommet », ajoute Red Pill USA, important compte complotiste pro-Trump, dans un message vu plus d’un million de fois.

Le Monde

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Dans un tweet depuis supprimé, l’ancien compagnon de Kamala Harris, Montel Williams, s’agace d’être confondu par des militants MAGA avec Diddy : « Et ça y est, ils recommencent avec “tous les Noirs se ressemblent”. » Mais rien n’y fait. D’autres posts dégradants générés par intelligence artificielle à l’été inventent une Kamala Harris, habillée de robes de soirée ultra-sexualisées, partenaire de débauche de Sean Combs.

Surtout, la fameuse photo trafiquée de Kamala Harris et Montel Williams remplacé par Diddy, est diffusée sur TruthSocial, le réseau social fondé par Donald Trump. « Kamala Harris se tape Diddy ? Madame la vice-présidente, avez-vous déjà été impliquée dans l’une des orgies sexuelles de Puff Daddy ? », interroge la légende. Dans la soirée, le post est brièvement repartagé par Donald Trump en personne, suscitant l’ire du camp démocrate.

En réponse, l’ancien basketteur professionnel Rex Chapman, soutien de Kamala Harris, partage un assemblage d’une demi-dizaine de photos montrant Donald Trump en compagnie de Diddy. « Pendant ce temps, celles-ci sont authentiques », rétorque-t-il. Elles le sont, en effet : comme en attestent des archives photographiques, les magnats de l’immobilier et du rap se sont souvent rencontrés lors d’événements caritatifs. Comme le rappellent des soutiens démocrates, Donald Trump le qualifiait de « bon ami » et de « bon gars » en 2012.

L’affaire Diddy récupérée par les théoriciens QAnon

Depuis, le candidat républicain n’a pas réitéré ses attaques, mais sa base conspirationniste n’a rien oublié de la séquence. Le compte Red Pill USA, encore lui, affirme que « Diddy et Epstein sont le sommet de l’iceberg », et lie ces affaires criminelles, réelles, à une vaste théorie du complot qui impliquerait la CIA, l’agence de renseignement américaine.

Sur Telegram, où prospèrent les théories du complot les plus folles, le groupe « Le complot du nouvel ordre mondial » s’enthousiasme : « Le monde est sur le point de découvrir par l’affaire Diddy que le Parti démocrate est le deep state », surnom du fantasmatique Etat profond qui contrôlerait le monde en secret. Derrière l’affaire Diddy, Donald Trump et ses alliés auraient « infiltré Hollywood, l’industrie de la musique et la communauté noire » afin de démanteler un réseau « sataniste, pédophile et corrompu », jubile un autre.

Alors que le média people américain TMZ a publié des photos d’archives d’une fête de 2004, dans laquelle Sean Combs mange des fruits posés sur une femme nue allongée, un post X subodore même qu’il aurait réalisé un rituel de sacrifice humain pour récupérer de l’adrénochrome, substance corporelle supposée, dotée de vertus régénératrices, dans le mythe conspirationniste QAnon. Le message a été vu trois millions de fois. Huit ans après la fantasmagorie du PizzaGate, cinq ans après l’arrestation de Jeffrey Epstein, le monstre manichéen du complotisme trumpiste a digéré et incorporé une nouvelle affaire de mœurs.

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