Les travaux de l’A69 vont-ils reprendre bientôt ? La cour administrative d’appel de Toulouse a examiné, mercredi 21 mai, pendant près de quatre heures et demie, la demande de « sursis à exécution » présentée par l’Etat visant à suspendre les effets du jugement du tribunal administratif de Toulouse ayant arrêté le chantier de l’autoroute le 27 février. Sa décision sera rendue « d’ici au 28 mai ».
Mercredi matin, dans une salle comble où avait pris place une soixantaine de personnes selon La Dépêche, Frédéric Diard, rapporteur public, c’est-à-dire le magistrat ayant vocation à éclairer la juridiction, a confirmé être favorable à une reprise de ce chantier, estimant, comme il l’avait souligné lundi dans une communication aux différentes parties, que les conditions « semblent réunies au regard des textes et de la jurisprudence ».
Selon le Code de justice administrative, les conditions du sursis à exécution sont l’existence d’« arguments sérieux » allant contre la décision rendue en première instance, ainsi que la présence de « conséquences difficilement réparables » pouvant être provoquées par la décision.
Sur le premier point, sans entrer dans le débat sur l’éventuel retard de développement du bassin de Castres-Mazamet qui, selon les promoteurs de l’autoroute, légitimerait sa construction, le rapporteur a estimé que les projets d’autoroute n’étaient de toute façon « pas réservés aux agglomérations sinistrées ».
Coûts engendrés par l’arrêt des travaux
Selon lui, l’importance des villes de Castres, de Mazamet et de Toulouse justifie « par nature qu’elles soient reliées par des infrastructures routières rapides », comme le sont d’autres villes occitanes d’importance, telles Albi, Foix, Carcassonne ou Cahors, toutes reliées à Toulouse par l’autoroute, a-t-il souligné.
Les coûts engendrés par l’arrêt des travaux, certes « probablement surévalués » par le maître d’œuvre et futur concessionnaire Atosca, sont « particulièrement lourds » et justifient donc, là aussi, la reprise du chantier, a-t-il ajouté.
Pour l’Etat, Eric Sacher, sous-directeur des affaires juridiques au ministère de la transition écologique, a estimé à la barre que le jugement du tribunal administratif d’arrêter le chantier constituait « une anomalie » qu’il convenait de corriger.
Cette décision « se méprend sur les critères exigés et retenus » pour dénier l’existence d’une « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM) justifiant le projet, a affirmé en appui Catherine Schlegel, l’avocate de plusieurs collectivités locales concernées (département du Tarn, communautés de communes de Castres-Mazamet et de Sor-Agout), estimant que les chiffres avancés par le tribunal « ont pu biaiser l’analyse ».
« Des conséquences irréversibles pour l’environnement »
Du côté des opposants au projet, l’avocate Alice Terrasse s’est élevée contre la position du rapporteur public, en martelant qu’« il n’y a pas de projet qui “par nature” disposerait d’une raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM), nécessaire pour autoriser ce type de chantier.
Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire
Cette RIIPM doit justement être évaluée en fonction de critères spécifiques (sécurité, intérêt économique et social, etc.), a-t-elle plaidé. « L’urgence c’est de laisser la juridiction de fond faire son travail », a-t-elle insisté, alors que la cour doit se prononcer dans quelques mois sur l’appel au fond contre le jugement du 27 février, déplorant que les partisans de l’autoroute privilégient l’équité territoriale qui ne constitue par une RIIPM, « au détriment de l’environnement ».
L’avocate a par ailleurs souligné que la proposition de loi de validation, présentée par les parlementaires pro-A69 et votée la semaine passée par le Sénat, constituait « un mépris de la justice et du justiciable ». « L’Etat ne croit tellement pas à ses arguments qu’il est obligé de faire une loi », a déploré Alice Terrasse.
Pour sa consœur, Julie Rover, ce sont les « conséquences irréversibles pour l’environnement » qui doivent être prises en compte dans la décision de la cour et non les risques non démontrés pour la « santé financière » des sociétés engagées dans la construction de l’autoroute.