« Des centaines de milliers de travailleurs des plateformes vivent une illusion d’autonomie, ils sont subordonnés et doivent être reconnus comme tels, tonne Pascal Salvodelli, sénateur (Parti communiste français) du Val-de-Marne, en introduction de sa proposition de résolution. Ce modèle gangrène notre économie, sape la protection sociale et précarise un grand nombre de travailleurs. »
L’ubérisation était au cœur des débats, mercredi 19 janvier au Sénat, en présence de plusieurs spécialistes du sujet et acteurs de terrain (travailleurs, syndicalistes, avocats). Dans le cadre de leur niche parlementaire, les sénateurs du groupe de gauche ont déposé une résolution visant à « transposer de manière ambitieuse », et dans l’urgence, la directive européenne adoptée en 2024 en faveur des conditions de travail des utilisateurs de plateformes. Résolution rejetée, par 226 voix contre 115.
Ce texte européen, qui doit légalement être traduit en droit français d’ici novembre 2026, a pourtant été salué par l’ensemble des partis qui se sont exprimés à la tribune : il prévoit l’instauration dans les Etats membres d’une « présomption de salariat », dont pourraient se servir les travailleurs indépendants dont le statut est dévoyé par les plateformes, ainsi qu’un contrôle accru du management algorithmique. La directive doit permettre d’établir un cadre clair, alors que plusieurs décisions de justice ont déjà requalifié en salariés des chauffeurs et livreurs dans les tribunaux français depuis 2020.
La Commission européenne a estimé que près de 43 millions d’Européens pourraient travailler pour les plateformes numériques en 2025, et 5,5 millions d’entre eux seraient classés à tort comme des indépendants. En France, 600 000 personnes ont utilisé une plateforme au titre de leur emploi principal, selon le ministère du travail. Un travail plus intense que la normale, avec des horaires plus longs et atypiques.
« On nous fait perdre du temps »
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