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Qui sera le suivant ? Les douze jours passés en détention, à Bamako, par le PDG de la société australienne Resolute Mining sonnent comme un avertissement pour les groupes miniers étrangers opérant au Mali et dans tout le Sahel. Le Britannique Terence Holohan et deux autres employés de la compagnie Resolute, qui exploite la mine d’or de Syama, dans le sud du Mali, ont été libérés mercredi 20 novembre après la conclusion d’un accord prévoyant le versement de 160 millions de dollars au gouvernement malien pour solder un différend financier.

Fin septembre, plusieurs hauts cadres maliens de la major canadienne Barrick Gold, également en litige avec les autorités du pays, avaient eux aussi séjourné plusieurs jours en prison. « L’environnement change très rapidement. Les sociétés doivent se montrer extrêmement prudentes dans l’analyse des risques et se préparer à toutes les éventualités », indique Christian Mion, expert du secteur minier au sein du cabinet EY.

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Ces épisodes illustrent la pression maximale exercée par la junte au pouvoir à Bamako pour tirer un meilleur profit des revenus de l’industrie minière. En 2023, le président Assimi Goïta a introduit une réforme du code minier permettant à l’Etat de prendre jusqu’à 30 % des parts dans les nouveaux projets et réduisant les avantages fiscaux des entreprises étrangères.

Le gouvernement exige que les contrats existants soient renégociés, quelles que soient les conventions passées avec les administrations précédentes. Une revendication exprimée sur fond de hausse continue des cours de l’or, dont le Mali est le troisième producteur africain et qui constitue 75 % de ses recettes d’exportation.

« Financer les campagnes militaires »

« Comme nous générons beaucoup plus de liquidités en raison du prix de l’or, l’une des conséquences malheureuses de cette situation est que les gens cherchent à obtenir une plus grande part du gâteau », faisait remarquer en octobre le directeur financier de Resolute, Chris Eger, lors d’une conférence téléphonique sur les résultats trimestriels. « Nous le constatons dans toute l’Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest », observait-il.

Le contexte est spécialement tendu dans les pays du Sahel minés par les violences terroristes et dont les régimes militaires sont à court d’argent. « Les gouvernements ont besoin de plus de revenus pour financer les campagnes militaires contre les groupes djihadistes », décrypte Tiffany Wognaih, associée senior pour l’Afrique de la société de conseil international J. S. Held. Pour les juntes au pouvoir, il s’agit également d’« encourager le nationalisme en matière de ressources afin de gagner la faveur de leurs populations respectives », souligne l’experte.

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Ainsi, au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, l’homme fort de Ouagadougou, ne cesse de revendiquer une plus grande souveraineté du pays dans le secteur aurifère qui représente 12 % de son produit intérieur brut (PIB). En juillet, le code minier a fait l’objet d’une révision surprise, visant à augmenter la part de l’Etat dans les projets extractifs.

Mais pour les multinationales, les signaux sont véritablement passés au rouge début octobre lorsque le dirigeant burkinabé a menacé de leur retirer leurs permis d’exploitation. L’annonce a provoqué un vent de panique en Bourse. Les entreprises canadiennes Iamgold, Fortuna Silver Mines et Orezone Gold ont vu leur valorisation plonger, tout comme l’australienne West African Resources.

La Turquie et la Russie « invitées »

Ces méthodes expéditives risquent de refroidir pour un moment les ardeurs des potentiels investisseurs occidentaux. « Déjà aujourd’hui, il n’y a quasiment plus d’exploration au Burkina ou au Mali, rapporte sous le couvert de l’anonymat un familier du secteur actif dans la région. C’est compliqué d’engager des dizaines de millions d’euros avec le risque de voir les règles du jeu changer en cours de route. »

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D’autant que l’instabilité politique et réglementaire s’ajoute à une situation sécuritaire très dégradée. Au Burkina Faso, les attaques djihadistes ont entraîné la fermeture de plusieurs mines ainsi que de nombreux sites d’orpaillage artisanaux ces dernières années. Pour l’heure, les menaces de retrait brandies par le capitaine Traoré n’ont pas été mises à exécution.

Lire aussi | Le Niger retire à l’entreprise française Orano le permis d’exploitation d’une grande mine d’uranium

Au Niger, en revanche, le général au pouvoir, Abdourahamane Tiani, est déjà passé à l’acte. Conséquence du divorce entre Niamey et Paris, le spécialiste français de l’uranium Orano s’est vu ôter en juin le permis d’exploitation d’un des plus grands gisements d’uranium au monde, Imouraren. Le groupe français, qui a annoncé, fin octobre, suspendre la production de sa filiale nigérienne, n’est cependant pas le seul ciblé. La junte nigérienne a aussi retiré au groupe canadien GoviEx son permis d’exploitation d’un important gisement d’uranium, près d’Arlit.

D’autres pays pourraient tenter de prendre l’avantage, comme la Turquie avec laquelle le Niger a signé un accord de coopération dans le secteur minier fin octobre. Ou encore la Russie dont les sociétés ont été « invitées à venir au Niger » par le ministre des mines, Ousmane Abarchi, dans un entretien donné à l’agence publique russe Ria Novosti mi-novembre.

Au Sénégal et en Côte d’Ivoire

Dans les Etats voisins, le contexte apparaît aussi favorable à une recomposition progressive du paysage des investisseurs. Les entreprises occidentales ne devraient pas se retirer du jour au lendemain. « Le temps consacré à la vente de ces ressources est long et la demande est faible compte tenu des risques d’exploitation élevés », souligne Tiffany Wognaih.

Mais il est « plus probable » qu’à l’avenir l’intérêt pour le secteur provienne d’« acteurs non occidentaux tels que la Russie », souligne-t-elle. Un réalignement économique autant que géopolitique dans des pays dont les régimes militaires, soutenus par Moscou, clament leur volonté de diversifier leurs partenaires.

Lire aussi | Renégociation des contrats d’hydrocarbures au Sénégal : l’option « risquée » du président Faye

Les juntes sahéliennes ne sont pas les seules à remettre en cause des règles de fonctionnement jugées déséquilibrées. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a lancé en avril, au lendemain de sa prestation de serment, un audit du secteur minier et pétrogazier. Un exercice qui, à l’en croire, pourrait conduire à une renégociation de certains contrats afin qu’ils bénéficient davantage aux populations locales.

En Côte d’Ivoire également, le gouvernement a annoncé vouloir réformer son code minier. L’enjeu est d’augmenter les revenus et la valeur locale du secteur alors que ses nombreuses ressources (or, manganèse, lithium…) suscitent un intérêt accru des investisseurs.

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