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Clair et net, le retour de balancier politique vers la gauche au Royaume-Uni a beau avoir été largement anticipé par les sondages d’opinion, il est saisissant, surtout vu de France, où l’extrême droite a le vent en poupe à la veille du second tour des élections législatives. Réitérant un score record équivalent à celui de Tony Blair en 1997 (418 sièges), les travaillistes de Keir Starmer ont obtenu au moins 411 des 650 sièges du Parlement de Westminster lors des élections du jeudi 4 juillet.

L’effet déformant du système électoral britannique à un seul tour, où le candidat arrivé en tête dans chaque circonscription obtient le siège – avec 34 % des voix, le Labour remporte plus de 60 % des sièges – n’explique que très partiellement cette victoire massive et historique.

En choisissant résolument l’alternance après quatorze années au pouvoir des conservateurs, les électeurs ont d’abord sanctionné un bilan désastreux marqué par l’austérité budgétaire et le Brexit. Pays fracturé, isolé et affaibli, infrastructures et services publics en berne, croissance des salaires et des investissements ralentie… Les maux dont souffre le pays résultent largement de choix politiciens hasardeux.

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La sortie de l’Union européenne (UE), acte majeur des tories, résultat d’un coup de bluff raté du premier ministre David Cameron et considérée aujourd’hui comme un échec par 60 % des Britanniques, restera comme un terrible exemple de décision autodestructrice prise par référendum populaire. Ni le pays ni les tories, divisés, ne s’en sont remis.

Quant aux clowneries de Boris Johnson, elles n’ont masqué qu’un temps l’inconsistance de la coalition nationaliste et anti-européenne réunie sur son nom, entre des électeurs fortunés du sud du pays, anti-Etat et anti-impôts, et les déshérités du Nord, demandeurs d’aides et de services publics. Le scandale des fêtes de Downing Street pendant le confinement et les calamiteuses décisions budgétaires de l’éphémère Liz Truss ont achevé de démolir la réputation de responsabilité et de sérieux des conservateurs.

Porté par une vague de « dégagisme » visant les tories, davantage que par un engouement populaire pour son programme et sa personne, l’austère Keir Starmer, artisan d’un recentrage spectaculaire du Labour, est sans doute le « premier ministre normal » voulu par le pays après ces longues années de politique spectacle et d’errements. Se posant en partisan de l’orthodoxie budgétaire et de la « création de richesse », M. Starmer a les faveurs des milieux d’affaires, tout en portant les espoirs des Britanniques touchés par l’austérité, la précarité et la déliquescence du Service national de santé (NHS).

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La modestie qu’il affiche semble a priori de bon augure face à la somme de défis qu’il va devoir relever, sans marge de manœuvre budgétaire, et aux réorientations à opérer, dont celles concernant les relations avec l’UE. Il reste pourtant à transformer cette victoire du pragmatisme en progrès perceptibles par les classes populaires, largement revenues au Labour, mais que courtise, au Royaume-Uni aussi, l’extrême droite. Son succès éclatant donne à Keir Starmer d’immenses responsabilités, notamment face à l’entrée à Westminster du parti xénophobe Reform UK de Nigel Farage (14 % des voix).

Bonne nouvelle, le retour au pouvoir d’un parti qui se réclame de la justice sociale dans l’un des principaux pays du continent européen sera examiné de près par tous ceux qui cherchent à contrer les vents réactionnaires à l’œuvre dans le monde développé.

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Le Monde

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