Une femme, aristocrate britannique issue d’une famille proche de la famille royale, et son compagnon ont été condamnés, lundi 15 septembre, respectivement à quatorze et dix-huit ans de prison pour avoir causé la mort de leur bébé au cours d’une cavale de plusieurs semaines. Cette affaire hors norme, qui a commencé par la fuite du couple au début de 2023 pour se cacher de la police et des services sociaux, a passionné les Britanniques et nécessité deux procès, après l’échec d’un premier jury à se prononcer.
En prononçant la peine de Constance Marten, 38 ans, et de Mark Gordon, 51 ans, le juge a insisté sur leur « conduite négligente » et leur « mépris flagrant » pour les risques qu’ils faisaient courir à leur fille, Victoria, qui dormait avec eux sous une tente en plein hiver. Après le retrait de quatre de leurs enfants par les services sociaux, Constance Marten et Mark Gordon avaient tout fait pour garder avec eux le nourrisson, né à la fin de décembre 2022 en dehors de toute structure médicale.
Mais la police s’était lancée à leurs trousses après la découverte de leur voiture en feu dans le nord de l’Angleterre en janvier 2023. Le couple a finalement été arrêté à la fin de février à Brighton, dans le sud de l’Angleterre, après près de deux mois à se déplacer en taxis, à dormir dans des hôtels ou dans une tente, et à tout payer en liquide. Le corps du nourrisson a été retrouvé quelques jours plus tard dans un sac de supermarché dans un hangar.
Eléments perturbateurs
Leur premier procès, en 2024, s’était achevé sur une absence de verdict au sujet de leur responsabilité dans la mort de la petite Victoria. Ils avaient, en revanche, été condamnés pour cruauté infantile et pour avoir dissimulé la naissance de l’enfant. Lors du second procès, ils ont finalement été reconnus coupables d’homicide involontaire. Mark Gordon s’est vu condamné à une peine de quatorze ans de prison, allongée de quatre ans supplémentaires en raison de sa « dangerosité ».
L’autopsie n’a pas permis de déterminer la cause de la mort du bébé, et le juge a décidé de condamner le couple, qui a toujours défendu la thèse de l’« accident tragique », sur la base d’un décès par « hypothermie » dans le froid glacial.
Jusqu’au bout, Constance Marten et Mark Gordon sont restés solidaires, évoquant leur « méfiance » vis-à-vis des autorités et perturbant à plusieurs reprises le déroulement des audiences. Plusieurs fois, ils ont refusé de se rendre au tribunal, ont épuisé chacun un certain nombre d’avocats, et Mark Gordon avait finalement décidé d’assurer seul sa défense. Encore lundi, le juge a dû interrompre les plaidoiries pour rappeler à l’ordre le couple, qui se faisait passer des mots dans le box.
Querelles familiales et milieux sociaux différents
L’intérêt des Britanniques pour cette affaire tient sans nul doute beaucoup au parcours de Constance Marten, que tout oppose à celui de Mark Gordon, fils d’une infirmière originaire des Caraïbes et qui a passé vingt ans en prison aux Etats-Unis pour un viol qu’il a commis à l’âge de 14 ans. Constance, elle, est l’héritière d’une riche famille aristocrate. Son père, Napier Marten, a été page d’Elizabeth II, avant d’abandonner sa fortune et de partir vivre en Australie. Et la mère de la reine était la marraine de sa grand-mère paternelle.
Eduquée dans des écoles privées, puis étudiante en arabe et en philosophie, Constance Marten a travaillé un temps pour la chaîne qatarie Al-Jazira, avant de se tourner vers une carrière d’actrice. En 2014, elle rencontre Mark Gordon dans une boutique à Londres et le couple se marie deux ans plus tard au Pérou ; une union non reconnue au Royaume-Uni. Durant les deux procès, elle a raconté les relations difficiles qu’elle entretenait avec sa famille, qui l’ont conduite à rompre tout lien dans les années 2010. « Ils avaient honte du fait que j’ai eu des enfants avec Mark, qu’ils ne soient pas issus de la haute société », a-t-elle dit.
Elle les a accusés de lui avoir coupé les vivres, alors qu’elle était enceinte de son premier enfant, mais l’enquête a montré qu’elle avait ensuite perçu des versements mensuels d’un trust hérité de sa grand-mère. Selon son avocat Tom Godfrey, Constance Marten ressent « tristesse et remords » pour la mort de Victoria. Durant le premier procès, sa mère et son frère ont régulièrement assisté aux audiences, sans que Constance Marten leur jette un regard. Cette dernière a déjà demandé à faire appel de sa condamnation.