A Saint-Paterne-Le Chevain (Sarthe), bourg de 2 000 habitants près d’Alençon, Jean-Luc Pottier cultive les tomates, les herbes aromatiques et les poursuites judiciaires. Le maraîcher de 64 ans qui s’avance, mardi 10 juin, à la barre du tribunal correctionnel du Mans a le corps sec, la peau tannée, les cheveux très blancs, les yeux très bleus. Il porte bermuda, tee-shirt et chaussettes mi-basses dans des mocassins fatigués. La liste des faits qui lui sont reprochés est longue comme le bras : travail dissimulé, rétribution inexistante ou insuffisante de plusieurs personnes vulnérables, traite d’êtres humains, blanchiment, fraude fiscale aggravée, violation délibérée d’obligation de sécurité ou de prudence.
Les parties civiles à son procès se prénomment Enkbold, Abdoulaye, Soulimane, Moufida, Mohamed, Mamoudou, Mahdi, Mamar, Armen, Tamaz, Anvar, Wahid, Mate, Anis, Aliou. Ils viennent d’Algérie, d’Arménie, de Russie, du Sénégal, de Georgie ou de Mongolie. Tous sont sans papiers. Non déclarés, payés entre 6,50 et 8 euros de l’heure en espèces, ils ont travaillé plusieurs mois, certains plusieurs années, dans la serre de Jean-Luc Pottier. Quinze heures par jour. Six, voire sept, jours sur sept en période de récolte. Le montant de la fraude au préjudice de la Mutuelle sociale agricole est estimé à 520 000 euros.
C’est la deuxième fois que Jean-Luc Pottier est jugé pour travail dissimulé. « Dissimulé, c’est pas un mot pour moi. Moi, je suis un homme de la vérité », dit-il. Il est d’ailleurs « content d’être là » pour s’expliquer. Alors, oui, il ne déclarait pas ses salariés. « Je trouve personne pour travailler dans mon entreprise. La régularisation, j’ai essayé une fois, j’y suis pas arrivé. J’ai convoqué France Travail, impossible de trouver des salariés. Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix. »
« La victime, c’est moi »
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