« Je vais vous raconter mes onze mois de détention. J’étais le plus jeune des otages, j’avais 22 ans. Je suis orphelin de père et de mère… Si je fais de la photo, c’est pour me rappeler des personnes qui vont mourir. C’est ce qui m’intéresse, la mémoire, ce qui reste. » Dès ses premiers mots, mercredi 19 février, devant la cour d’assises spéciale de Paris, on a compris que le témoignage d’Edouard Elias, un jeune photographe de guerre capturé et torturé en Syrie par l’organisation Etat islamique (EI) entre juin 2013 et avril 2014, serait important.
Sa description, rapportée de l’intérieur des geôles syriennes, de la délirante entreprise de déshumanisation qu’avait mise en place l’EI dans son proto-Etat est un document journalistique fascinant. Un témoignage pudique et rigoureux, parfois drôle, patiemment constitué, jour après jour, malgré les coups, les tortures, l’odeur permanente de la mort et les privations de nourriture, par le journaliste qu’il n’a jamais cessé d’être durant ce voyage au bout de l’enfer.
Ce 6 juin 2013, Edouard Elias venait de franchir la frontière turco-syrienne pour documenter l’utilisation d’armes chimiques par Bachar Al-Assad sur sa population, en compagnie du reporter Didier François, son « binôme », quand les deux journalistes ont été capturés par cinq djihadistes en armes. Le cauchemar commence aussitôt : les deux hommes sont attachés à des radiateurs, « roués de coups sans le moindre répit » et privés de nourriture pendant quatre jours.
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