Abdelhakim Sefrioui, c’est d’abord une idéologie : l’islamisme politique. C’est aussi, et surtout, dans le cadre du procès de l’assassinat de Samuel Paty, un mode d’action : « menaces », « manipulation » et « médiatisation » ont énuméré, lundi 25 novembre, un enquêteur et une enquêtrice de la sous-direction antiterroriste (SDAT) devant la cour d’assises spéciale de Paris. Avec un objectif : « Instrumentaliser les valeurs de la République dans une logique de conquête des institutions à travers la victimisation des musulmans. »
Mais si ce vieux routard de l’activisme islamiste de 65 ans est jugé pour « association de malfaiteurs terroriste », ce n’est ni pour ses idées, ni pour ses méthodes, éprouvées impunément pendant de longues années de militantisme : c’est parce que les unes et les autres ont finalement mené à la décapitation d’un professeur d’histoire-géographie, le 16 octobre 2020.
Son cas est l’un des plus épineux qu’ait eu à juger la justice antiterroriste. Abdelhakim Sefrioui n’a jamais appelé à assassiner Samuel Paty : il a initié, avec le père d’une collégienne, la campagne de haine qui déclenchera un projet d’attentat dans l’esprit d’un jeune djihadiste. La question qui se pose à la cour est vertigineuse. Le continuum entre l’activisme du premier et le passage à l’acte du second est-il suffisant pour condamner l’agitateur pour terrorisme ?
« Un engagement contre les juifs »
Militant de la cause palestinienne – il a fondé, en 2004, le Collectif Cheikh Yassine, du nom du fondateur du Hamas –, Abdelhakim Sefrioui a commencé sa carrière en organisant des manifestations appelant à la destruction d’Israël. Un militantisme que sa fille avait ainsi résumé devant les enquêteurs : « Son engagement pour la Palestine, c’était plus un engagement contre les juifs. »
Son militantisme a ensuite glissé, au fil des années, vers une dénonciation des « discriminations » visant les musulmans. L’enquêteur de la SDAT a illustré à la barre ce glissement et ses « méthodes d’action » à travers plusieurs faits d’arme. En avril 2009, l’agitateur organise une manifestation houleuse devant la Grande Mosquée de Paris pour réclamer le départ de l’imam Dalil Boubakeur, qui avait déclaré que le Hamas était « un danger pour les Palestiniens ».
En 2010, il multiplie les manifestations devant la mosquée de Drancy de l’imam Hassen Chalghoumi, qu’il qualifie d’« imam des juifs » et de « voyou », un terme qu’il utilisera dix ans plus tard pour désigner Samuel Paty. Mais c’est en mars 2011 qu’il s’attaque pour la première fois à l’école, en organisant une vaste campagne médiatique contre un lycée de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où des lycéennes auraient été menacées d’expulsion pour avoir porté une abaya.
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