A voir son visage poupon, sa courte silhouette d’enfant sage emballée dans un imperméable beige et ses mains qui se tortillent sur le pupitre de la barre de la cour d’assises spéciale de Paris, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Mais Ismaël Gamaev tient à se confesser, justement : oui, il était « très radicalisé », oui, il avait une « vision malsaine de l’Islam ». Et il s’en repent aujourd’hui, tout aussi radicalement : « J’ai abandonné tout ce qui était lié à la religion, assure-t-il. Je n’arrive même plus à croire en Dieu… »
Les accusés du procès de l’assassinat de Samuel Paty peuvent se ranger en trois groupes. Le premier, constitué par deux amis du tueur, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, qui encourent la peine la plus lourde pour « complicité d’assassinat terroriste », a été examiné au début du procès. Puis la cour s’est penchée sur le second duo, celui des responsables de la campagne de haine qui a visé le professeur : Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui. Le dernier groupe, baptisé « la djihadosphère », rassemble quatre accusés radicalisés qui étaient en contact avec le terroriste sur les réseaux sociaux.
Ismaël Gamaev, 22 ans, est le premier membre de la « djihadosphère » à avoir été interrogé sur le fond, mardi 10 décembre. Renvoyé pour association de malfaiteurs terroriste, il lui est reproché d’avoir intégré, avec un autre jeune co-accusé, Ingar Louqmane, et l’assassin de Samuel Paty, Abdoullakh Anzorov, un groupe de discussion sur Snapchat baptisé « étudiants en médecine », dans lequel il était beaucoup question de djihad. Quelques minutes après l’attentat, le tueur y avait publié une photo de la tête décapitée de Samuel Paty.
« J’ai extrêmement honte »
Mais avant d’en venir au fait, Ismaël Gamaev tient à expliquer à la cour les raisons de sa radicalisation éclair et de sa déradicalisation, qui fût à l’entendre tout aussi rapide. Le jeune homme comparaît libre après deux ans de détention provisoire. Depuis sa sortie de prison, il a passé son bac et s’est lancé dans des études d’économie et de gestion. « Il y a beaucoup de choses que j’ai faites sur les réseaux sociaux dont j’ai extrêmement honte, commence-t-il. Je peux vous raconter comment je me suis radicalisé, si vous voulez… »
– « Allez-y », l’engage le président, Franck Zientara.
Il est rare, lors d’une audience terroriste, qu’un accusé explique de façon si limpide les ingrédients qui l’ont fait basculer dans l’islam radical. Ismaël Gamaev est, surtout, le premier, à ce procès, à reconnaître l’essentiel des faits qui lui sont reprochés.
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