Meilleures Actions
Histoires Web dimanche, septembre 8
Bulletin

Une lumière ailée dore les stèles en bois du cimetière de montagne qui entoure l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, au sommet du village de La Grave (Hautes-Alpes). Un lieu d’une rare harmonie que ce refuge de pierre édifié face aux puissants glaciers de la Meije, avec son Christ en croix flottant tel un drone mystique au-dessus d’un lourd Steinway noir, dont la silhouette ouverte a envahi la ronde abside romane.

Chemisette bleue et œil vif de choucas, le directeur du Festival Messiaen, Bruno Messina, a vu monter avec satisfaction mélomanes pèlerins et randonneurs fourbus pour l’ascension musicale de 17 heures que propose la pianiste Aline Piboule, ce mercredi 24 juillet. Un de ces programmes stimulants tant sur le plan intellectuel que musical (celui-ci s’intitule « Héritages »), dont la musicienne a le secret.

Pour mieux démêler parentèles et filiations entre Claude Debussy, Paul Dukas, qui fut son maître de même que celui d’Olivier Messiaen, lesquels influencèrent durablement le Japonais Toru Takemitsu, Aline Piboule a tissé une vaste toile de passations, d’hommages, d’adieux et de tombeaux, dont la trame s’arrime à deux des Epigraphes antiques de Debussy (Pour évoquer Pan, dieu du vent d’été, Pour remercier la pluie au matin) et Cloches à travers les feuilles (issu d’Images). Dépouillement, notes répétées hallucinatoires, vrombissements, grésillements, résonances, cette longue évocation de sept pièces accolées en une œuvre unique distingue chaque personnalité autant qu’elle les confond dans une puissante rêverie esthétique.

C’est avec la pianiste et compositrice Odette Gartenlaub (plus connue, il est vrai, pour ses livres pédagogiques de solfège), qu’Aline Piboule ouvre la seconde partie de son récital, convoquant une galerie de piquants portraits composés d’après Les Caractères, de La Bruyère, avant la Sonatine n° 2 op. 5 dite « Pastorale », de Maurice Emmanuel, consacrant, par le biais de la référence à la symphonie du même nom de Beethoven, caille, rossignol et coucou. De jolies découvertes pour l’auditeur, qui dépassent l’anecdotique.

Entre recueillement et vertige

Mais le moment culminant de la soirée (une émotion née de l’émotion que la pianiste aura à l’évoquer verbalement avant même que de la jouer) viendra de la Sonate n° 21, op. 303, Codex Domini, d’Olivier Greif. Une œuvre écrite « Dans le TGV Paris-Bordeaux, 25 oct. 94 », indique la page de garde de la partition, qui croise dans de généreuses largeurs le grand piano romantique de Liszt, la fervente supplique d’un choral à la Bach et la rengaine sentimentale de Domino (paroles de Jacques Plante, musique de Louis Ferrari) popularisée à partir des années 1950 par le « prince de la chanson », André Claveau. Musique éperdue, entre recueillement et vertige, cri et silence, dont Aline Piboule choie avec amour toutes les inclinations.

Il vous reste 43.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.