Au moins dix-neuf personnes ont été tuées et plusieurs centaines ont été blessées, lundi 8 septembre, dans la capitale népalaise, Katmandou, lorsque la police a dispersé une manifestation contre le blocage des réseaux sociaux et la corruption du gouvernement.
Selon le dernier bilan publié en soirée lundi, « dix-sept personnes sont mortes », a annoncé un porte-parole de la police, Shekhar Khanal, faisant par ailleurs état de 400 blessés dont une centaine de policier. Deux autres personnes ont été tuées dans le district de Sunsari, dans l’est du Népal, selon des médias locaux. Le gouvernement du premier ministre « KP » Sharma Oli devait se réunir en urgence en soirée lundi pour faire le point de la situation.
Les Nations unies ont demandé lundi l’ouverture « rapide » d’une enquête « transparente ». « Nous sommes choqués par les morts et les blessés parmi les manifestants au Népal et nous demandons une enquête rapide et transparente », a écrit la porte-parole du bureau des droits de l’homme de l’ONU, Ravina Shamdasani, dans un communiqué.
Les forces de l’ordre sont intervenues lorsqu’une foule de plusieurs milliers de personnes s’est rapprochée du Parlement, dont elles avaient bloqué l’accès, notamment avec des barbelés. Certains manifestants ont alors tenté de franchir le cordon de sécurité mis en place par la police. « Nous avons utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau quand les manifestants ont pénétré dans la zone interdite », a confirmé le porte-parole de la police. Selon des témoignages anonymes publiés par les médias locaux – qui n’ont pas pu être vérifiés pour l’heure –, la police a tiré à balles réelles sur la foule pour la contenir.

Au moins trois des victimes ont succombé à leurs blessures à l’hôpital civil de Katmandou tout proche, qui a accueilli plus de 150 blessés, selon une porte-parole de l’établissement, Ranjana Nepal. « Je n’ai jamais vu un tel chaos à l’hôpital », a-t-elle rapporté à l’AFP. « Les gaz lacrymogènes se sont propagés dans les locaux et ont rendu difficile le travail des médecins. »
Le ministère de la communication et des technologies de l’information népalais avait annoncé jeudi avoir ordonné le blocage de 26 plateformes, dont Facebook, YouTube, X et LinkedIn, qui ne se sont pas enregistrées auprès de lui dans les délais impartis. En application d’un arrêt rendu en 2023 par la Cour suprême, le ministère exige qu’elles nomment un représentant local et une personne chargée de la régulation de leurs contenus.
Slogans hostiles au gouvernement
Cette décision, qui a continué lundi à perturber de nombreuses activités, a convaincu de nombreux usagers en colère de descendre dans la rue. Les manifestants se sont rassemblés dans la matinée dans la capitale en brandissant des drapeaux nationaux et en chantant l’hymne national, avant de lancer des slogans hostiles au gouvernement.
« Nous sommes là pour dénoncer le blocage des réseaux sociaux mais ce n’est pas notre seule motivation, a déclaré à l’AFP un étudiant, Yujan Rajbhandari, 24 ans. Nous dénonçons aussi la corruption institutionnalisée au Népal. » « Cette décision traduit les pratiques autoritaires du gouvernement et nous voulons que ça change », a renchéri un autre, Ikshama Tumrok, 20 ans.
Depuis l’entrée en vigueur du blocage, les plateformes encore en service, comme TikTok, sont inondées de vidéos mettant en cause la vie luxueuse des enfants de responsables politiques. « Il y a eu des mobilisations contre la corruption partout dans le monde, ils [les dirigeants] redoutent qu’il en soit de même ici », a commenté un autre protestataire, Bhumika Bharati.
Dans une déclaration publiée dimanche, le gouvernement a démenti vouloir grignoter les libertés de pensée et d’expression et a affirmé que sa décision visait à créer « un environnement destiné à leur protection et à leur libre exercice ». Il a répété que le fonctionnement des plateformes visées serait rétabli sitôt le dépôt d’une demande d’enregistrement de leur part.
Le blocage décrété jeudi n’est pas inédit. En juillet, le gouvernement népalais avait suspendu la messagerie Telegram en raison, selon lui, d’une hausse des fraudes en ligne.