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Histoires Web mercredi, octobre 23
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C’est une exposition bien dense, mais passionnante, que propose le Musée du Louvre. Intitulée « Figures du fou », elle explore, en 340 œuvres, peintures, sculptures, manuscrits enluminés, textes, costumes et objets divers, la manière dont notre regard sur la folie s’est modifié, depuis le Moyen Age jusqu’au XIXe siècle.

La première partie, la plus surprenante, décrit le sujet jusqu’à la Renaissance (de la seconde partie, celle sur la folie moderne et romantique, on aurait pu faire une autre exposition) : à l’époque, les fous sont partout. Pas tels que le définit la psychiatrie contemporaine, ceux-là relèvent alors au mieux de l’exorcisme, au pire du bûcher, ni les simples d’esprit (le royaume de Dieu leur appartient), mais ceux qui manifestent ce que l’on pourrait appeler une folie ordinaire : celle de tous les hommes – et les femmes – qui, en permanence ou ponctuellement (en période de carnaval par exemple), se livrent à leurs passions. Nous avons là un éloge de la folie telle que la concevait l’art de l’Europe du Nord (mondes flamand, germanique, anglo-saxon et français), où se dévoile une période fascinante qui culminera avec quelques textes déterminants, comme La Nef des fous, publié par Sébastien Brant en 1494, suivie, en forme de réponse ironique, par L’Eloge de la folie, d’Erasme (1511).

Le premier oppose aux crises de son temps (la décadence des mœurs des clercs, les excès que permet l’argent, les hérésies diverses qui minent l’ordre du monde) la mesure et la sagesse, sous l’égide de l’empereur et de l’Eglise catholique romaine. Il est de ceux qui pensent que les entreprises périlleuses déplaisent à Dieu. Ce qui permet peu après au franciscain Thomas Murner de présenter Luther et ses disciples comme des fous qu’il convient d’éradiquer. Erasme, lui, en vient à se demander si ce ne sont pas les sages, les raisonneurs, qui sont les fous véritables… Jérôme Bosch donne une vision proche : dans son tableau La Nef des fous (vers 1500), la déraison règne partout sur le navire, sauf à la droite du tableau où le fou, coiffé de son bonnet à clochettes et tenant sa marotte, leur tourne le dos et boit sagement sa coupe de vin, assis à l’écart dans un arbre…

Tête pleine de vent

Puisqu’elle commence par montrer des marginalia, les petits monstres ou les personnages grotesques dessinés dans les marges des livres, on peut confesser la seule déception procurée par cette exposition : l’absence de l’exemplaire de L’Eloge de la folie, d’Erasme conservé au Kunstmuseum de Bâle, illustré par les frères Holbein, Ambroise et Hans le Jeune. Même si une page est reproduite au catalogue, lequel est dans son ensemble un travail exemplaire, on comprend mal pourquoi un objet qui répondait aussi bien au thème n’y figure pas. Mais cet aspect n’est toutefois qu’une petite partie de l’exposition, laquelle est organisée de façon thématique. On débute certes par la relation entre le fou et Dieu, mais on découvre aussi la folie amoureuse, les fous du roi, les fous en ville, puis, avec la venue des temps modernes, les premières tentatives de traitement des aliénés, jusqu’aux débuts de la psychiatrie.

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