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Histoires Web samedi, novembre 16
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Comment évoquer sans véhiculer des lieux communs ce moment singulier de la Révolution française qu’a posteriori ceux qui y survécurent, complices ou victimes, appelèrent la Terreur ? C’est le pari que propose l’exposition du Musée Carnavalet « Paris 1793-1794 une année révolutionnaire ». Bruissant de passions, d’aspirations nouvelles autant que de contradictions, l’an II mérite qu’on en mesure les audaces autant que les rudesses.

Pour mieux permettre cette immersion, les commissaires ont choisi de frapper fort en présentant d’entrée le sort réservé à la Constitution de 1791, associée à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Pilonnée le 3 mai 1793 par le « mouton national », cette masse qui détruit le projet d’une monarchie constitutionnelle mise à mort par la prise des Tuileries, le 10 août 1792, cette éphémère règle politique se veut remplacée par la première Constitution républicaine, adoptée le 24 juin – soit le 6 messidor an I – par une consultation populaire inédite, le premier référendum jamais organisé. Mais la partition idéale ne sera pas mise en musique, immolée au nom de l’état de guerre, dès le mois d’août et finalement suspendue par décret le 10 octobre au profit d’un état d’exception, « révolutionnaire jusqu’à la paix ».

Ce qui frappe au fil de la visite c’est l’effervescence de la période, son énergie créatrice, la tension qui accompagne les ruptures comme la relance des utopies. En atteste le déluge d’images qui racontent l’an II, des allégories, souvent trompeuses – les femmes incarnant la liberté ou la raison ne peuvent faire oublier que le suffrage prétendument universel n’est que masculin –, aux caricatures aussi radicales qu’explicites. Si l’ombre portée de la guillotine qui dévore pareillement les ennemis du régime comme ses propres champions marque l’imaginaire, la Convention s’attache à livrer d’autres références de la République, à travers la peinture : David en célébrant les martyrs (Le Pelletier, Marat) ou les commémorations festives, telles l’unité et l’indivisibilité avec la Fête de la réunion, le 10 août 1793, comme les projets d’urbanisme, visant à effacer les références royales et à imposer les nouvelles valeurs civiques, fraternité ou égalité en tête.

Rompre autant qu’innover

Mais s’en tenir à l’inscription urbaine de l’ère nouvelle serait méconnaître la profonde mutation à l’œuvre. Evoquer la figure du sans-culotte qui fixe un idéal sans définir une classe sociale importe moins que de comprendre qui est ce peuple. Et si les étrangers comme les indigents, les domestiques ou les anciens esclaves – l’abolition est décrétée le 4 février 1794 – semblent gagner en légitimité, les femmes, malgré les combats d’Olympe de Gouges et une présence accentuée dans les sections et les clubs, restent exclues.

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