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Histoires Web mardi, mars 18
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L’histoire maghrébine de l’âge du bronze est en train de s’écrire sur le promontoire rocheux de Kach Kouch, dans le nord du Maroc. C’est sur cet affleurement calcaire, à dix kilomètres de la station méditerranéenne d’Oued Laou et à une heure et demie de route au sud du détroit de Gibraltar, qu’ont été mis au jour, entre 2021 et 2022, les restes d’un village dont les premières traces d’occupation remontent à la fin du troisième millénaire avant Jésus-Christ, correspondant au début du bronze ancien et à la fin de la préhistoire occidentale.

A une centaine de mètres d’altitude, l’endroit surplombe une vallée où passe une rivière. Aujourd’hui déserté, il fut le théâtre d’une intense activité durant le bronze final, de 1 300 à 600 avant J.-C. Une cinquantaine d’individus y auraient alors résidé, vivant de l’agriculture et de l’élevage.

Dirigées par Hamza Benattia, de l’université de Barcelone, et avec le concours de chercheurs de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (Insap), les fouilles de Kach Kouch – qui fut l’objet d’une première campagne en 1992 – éclairent d’une lumière nouvelle ce que fut l’âge du bronze dans ce corridor proche des montagnes du Rif. A rebours de l’idée, communément admise, selon laquelle les sociétés du Maghreb méditerranéen ne se seraient sédentarisées qu’à partir de l’arrivée des Phéniciens, vers 800 avant J.-C.

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L’hypothèse que les populations de la région n’étaient alors pas uniquement nomades a germé dès l’époque coloniale, sous le protectorat français. L’archéologue Michel Ponsich, qui effectua l’essentiel de ses recherches dans le Maroc indépendant, en était convaincu. Mais à l’accumulation d’indices isolés manquait la découverte d’un établissement comme celui de Kach Kouch. Visible sur des images satellites, le terrain, sur une propriété privée, est de taille réduite, environ un hectare. Son vrai toponyme est Dhar Moudden, mais l’officier militaire qui en fit l’acquisition le rebaptisa Kach Kouch en s’inspirant sans doute du mot arabe « kchaouch », qui renvoie aux petits objets et débris qui jonchent le sol.

Connexions culturelles

Aux 8 000 tessons de poteries, aux morceaux de silex, aux graines et aux innombrables ossements d’animaux correspondant à la transition entre la fin du néolithique et l’âge du bronze, succède une phase d’occupation durable symbolisée par des bâtiments en torchis, des meules et des fosses de stockage. Toute une économie basée sur la culture et la domestication. Soit « la plus ancienne preuve d’une vie sédentaire sur la côte méditerranéenne du Maghreb », notent Hamza Benattia et son équipe dans un article publié en février dans la revue Antiquity.

Le promontoire rocheux de Kach Kouch, dans le nord du Maroc.

Kach Kouch recèle aussi des objets métalliques. L’un d’eux, un fragment de bronze à l’étain daté de 1 110-920 avant J.-C., interroge tout particulièrement : a-t-il été fabriqué ici ou importé ? A cette période, l’alliage est fréquent en Méditerranée occidentale, mais celui-ci est le plus ancien exemplaire connu en Afrique du Nord (Egypte exceptée). « Sa signature chimique est inhabituelle pour les métaux préislamiques du nord-ouest du Maghreb », affirment les chercheurs. « Il est tout à fait possible que l’étain qui le compose provienne d’Europe », ajoute Hamza Benattia, joint au téléphone. D’autant que rien, à ce stade des fouilles, ne laisse supposer l’existence d’une métallurgie locale.

Là réside l’une des principales inconnues de Kach Kouch. Certaines des céramiques déterrées sur place présentent des ressemblances frappantes avec d’autres produites au même moment dans la péninsule Ibérique, dressant une possible carte des échanges entre les deux rives de la Méditerranée. Ces connexions culturelles, de même que les similitudes génétiques d’une population à l’autre, sont établies pour le néolithique précédent, grâce notamment au travail de l’archéologue marocain Youssef Bokbot, qui a dirigé les fouilles récentes d’Oued Beht, près de Rabat. Mais quel degré ce partage, matériel et humain, a-t-il atteint au cours de l’âge du bronze, moins documenté ?

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Une partie de la réponse se trouve sans doute dans une tombe, a priori de cette période. Elle a été mise au jour en 2019 près de la ville d’Asilah, à deux heures de route, sur la côte atlantique. Les ossements exhumés, en cours d’analyse aux îles Canaries, sont ceux d’un adulte. Sur cette question, « l’ADN est la clé », résume Hamza Benattia, qui espère trouver un lien entre le génome du défunt et celui des populations ibériques d’alors.

Un précédent avait permis de dresser une ascendance nord-africaine aux restes d’un squelette, vieux de 4 000 ans, retrouvé dans la province de Cadix, mais c’est la première fois que des résultats sont attendus dans le cas d’un individu découvert au Maroc et supposé avoir vécu pendant l’âge du bronze. Les conclusions de l’examen, indique Hamza Benattia, seront connues dans quelques mois.

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