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LETTRE DE TOKYO

Au Japon, le nouveau billet de 10 000 yens (62 euros) suscite une certaine gêne chez les jeunes mariés. En cause : la figure illustrant la coupure en circulation depuis le mois de juillet. Eiichi Shibusawa (1840-1931), industriel, philanthrope et auteur de nombreux ouvrages, a été choisi car il « offre des images de réussite et d’ouverture au monde » et « reste associé à un Japon pacifique et international », expliquait au Monde, en 2021, Patrick Fridenson, historien et spécialiste du personnage.

L’homme est considéré comme le « père de l’économie japonaise moderne ». Seulement voilà : il est aussi un mari notoirement infidèle, connu pour sa muflerie – il est même allé jusqu’à imposer la présence de sa maîtresse à sa femme dans le domicile conjugal.

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Sans surprise, cela passe mal pendant les mariages nippons. Durant ces cérémonies, il est d’usage de déposer à l’accueil de la réception une enveloppe contenant un don en argent. Selon la proximité avec le ou les conjoints, la somme peut aller de 10 000 à 50 000 yens, voire plus. La politesse oblige à n’utiliser que des billets neufs – et donc en théorie, puisqu’ils viennent d’être imprimés, ceux où figure Eiichi Shibusawa. Or, 30 % des personnes interrogées jugeraient leur utilisation inappropriée, selon un sondage de l’agence d’organisation de mariages Tokihana.

« Les mariés peuvent refuser »

Le sujet a pris une telle ampleur que l’édition du 3 octobre de l’émission télévisée « Good ! Morning », diffusée sur la chaîne privée Asahi, se déclinait sur le thème suivant : « Eiichi Shibusawa étant associé à l’infidélité, les anciens billets figurant Yukichi Fukuzawa [intellectuel de l’ère Meiji] devraient être privilégiés pour les cadeaux de mariage. » Susumu Kojima, maire de Fukaya, ville natale de l’industriel située au nord de Tokyo, s’est senti obligé de réagir : « Il n’y a pas que les femmes dans la vie de M. Shibusawa. Il a fait toutes sortes de choses. »

Sur le site spécialisé dans les questions juridiques Bengo4.com, l’avocat Ryuji Nishiguchi explique qu’« offrir un cadeau de mariage constitue un contrat de donation (article 549 du code civil). Comme il s’agit d’un contrat, les mariés peuvent le refuser ». L’avocat juge regrettable que l’image du billet puisse froisser les relations entre les mariés et leurs invités, mais il pense tout de même « apporter un billet de 10 000 yens à l’effigie de Yukichi Fukuzawa » au prochain mariage auquel il assistera.

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Quant à l’hebdomadaire Josei Jishin, il rappelle que les billets figurant Yukichi Fukuzawa disparaîtront bientôt et qu’il est impossible de choisir ceux retirés aux distributeurs automatiques. Et conclut : « Plutôt que de se perdre dans un maniérisme obscur, il vaut mieux s’attacher au don consenti avec sincérité et dans un esprit de célébration. »

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