Au Festival Django Reinhardt de Fontainebleau, l’héritage familial de Boulou et Elios Ferré

Constitué en 1978, le duo des frères Ferré, Boulou et Elios, nés tous deux en 1951, est d’une complicité à toute épreuve : sûr, exigeant, novateur, et surtout porteur d’une légende familiale qu’il ne cesse d’augmenter. Les voir, les attendre en leur jardin, au Festival Django Reinhardt (Fontainebleau, Seine-et-Marne), est une promesse ouverte. Distinction, maîtrise, improvisation…

Boulou et Elios sont les fils de Matelo Ferret (1918-1989). Comme leur père, leurs oncles, Baro et Sarane, ont accompagné Django Reinhardt (1910-1953), le plus illustre des Manouches, et Stéphane Grappelli (1908-1997), au sein du Quintette du Hot Club de France. Les Manouches sont les Tziganes d’Alsace et du nord du Bassin parisien. Comme les Gitans, Tziganes du Sud, les Manouches naissent où ils veulent. Là où se trouve la verdine (la roulotte des fameux « gens du voyage »). Django, ce fut en Belgique, du côté de Charleroi.

Les frères Ferré sont formés de haute école : « Matelo Ferret nous faisait travailler les gammes à longueur de journée, les articulations, la technique, les modes harmoniques complexes, répétant sans cesse : “Soyez d’abord une oreille… Une journée sans jouer sera une journée que vous ne vivrez plus.” »

A 6 ans, Boulou chante des solos de Dizzy Gillespie. Il donne son premier récital deux ans plus tard. Où ? Sur la scène ravissante du Musée Grévin, à Paris, en présence de la reine de Belgique, Paola. Premier album, sous le titre Boulou, à 12 ans. Sur la pochette, on voit un garçon joufflu, regard tendu vers la musique.

Sessions à New York

Réputation fulgurante, il participe au Festival d’Antibes en 1965, en première partie du quartette de John Coltrane. Il rencontre les meilleurs musiciens de la place, et enregistre avec Eddy Louiss (orgue), Michel Gaudry (contrebasse) et André Arpino (batterie). Dans les mondes parallèles, il travaille la technique classique, et suit les cours de composition et d’harmonie d’Olivier Messiaen (1908-1992). Il alterne guitare acoustique et électrique (comme Django en ses dernières sessions). Swing, rock, musique contemporaine, recherches personnelles, Boulou forme le très expérimental Corporation Gypsy Orchestra (1974), remarqué par Santana et Zappa. Il enregistre beaucoup (à New York, avec son frère, George Cables et Billy Hart), croise des musiciens de tout style : Gunter Hampel, Dexter Gordon, Barney Wilen, Chet Baker, Dizzy Gillespie…

Apte à jouer le blues avec T-Bone Walker – sept nuits mémorables, aux Trois Mailletz, club légendaire du Quartier latin. Un soir de ces années-là, à Saint-Tropez, Duke Ellington vient l’écouter trois heures durant : « Boulou, tu es un génie dans l’arc-en-ciel de Django. »

Il vous reste 35.14% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.